Evasion

Ici ou ailleurs : cette rubrique vous est réservée ! Elle vous permettra de partir à l'aventure, hors des sentiers battus donc, à travers les récits de coureurs de la région qui sont en quête d'horizons nouveaux. Ce sera donc l'occasion de faire vos valises et de découvrir des contrées lointaines... et pourquoi pas de vous laisser tenter à votre tour. En tout cas n'hésitez pas à nous faire part de vos témoignages avec quelques photos à l'appui. Embarquez avec nous dans la rubrique "évasion!". Comme une invitation au voyage.


Les foulées du Magara, balade dans un jardin carthaginois !

 

 

A peine sorti de l’aéroport de Tunis, aveuglé par la lumière, le visiteur prend tout de suite conscience de la chaleur ambiante. Même voilé, le ciel inonde d’ombres blanches l’étendue du décor. Ici le bleu et le blanc s’unissent. Dans la poussière ambiante, le trafic s’écoule sur de larges voies. Tout est clair, éclairé. Une autoroute, des habitations cubiques, blanches, éblouissantes, à perte de vue. Des immeubles, à quatre, à six étages, guère plus. Pas de gratte-ciel. Des terrasses, des  paraboles, du linge qui sèche, de gros placards publicitaires en arabe, en français, en anglais. Une zone industrielle, des palmiers, une mosquée. Le taxi nous emmène, il prend la direction de Carthage, nous achemine à la Marsa, dans les faubourgs carthaginois, au cœur des mégaras, des jardins carthaginois. De là, des siècles nous contemplent. La Marsa, entre Tunis et Carthage, illustre station balnéaire tunisienne, est aujourd'hui une banlieue huppée regroupant de nombreuses résidences d'ambassadeurs, de luxueuses villas, de chics hôtels. Au-delà des collines, la mer, bleue. La plage est belle. La ville possède encore de nombreux sites archéologiques, romains pour la plupart, classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Les bâtiments séculaires qui bordent la baie confèrent au cachet. Beauté des cartes postales. C’est beau, c’est très beau. Depuis le printemps arabe dernier et la fuite du président Ben Ali, un vent léger souffle sur la jeunesse. Un pas a été franchi. Les choses évoluent. Une nouvelle ère débute. Les tunisiens restent des gens charmants, mesurés, accueillants. Les événements ont certes quelque peu effrayé les touristes prudents. On y revient. Il fait toujours aussi bon aller en Tunisie. Les foulées du Mégara. Un semi marathon réservé aux coureurs entrainés ou une course populaire de cinq kilomètres pour les plus néophytes. Riadh Ben Zazia préside avec brio l’association « Mégara pour la Jeunesse » et coordonne l’organisation de l’épreuve. Après l’impasse en 2011, l’épreuve renait cette année pour la quatrième édition. L’équipe d’une centaine de bénévoles est maintenant rôdée. Un succès croissant. Près de deux mille coureurs se sont réunis sur les deux courses, près de huit cents sur le semi. Du bon gratin. L’élite du sport tunisien. Des Marocains, des Algériens, des Européens, des Américains. Au-delà de l’exploit, de la performance, subsistent de maitres mots, la convivialité, les échanges, la fraternité, le dépassement de soi. Ici, pas de frais d’inscription. Il est difficile de concevoir, pour un Tunisien confronté aux difficultés économiques de son pays, de devoir s’acquitter de telles dépenses. Pourtant, avec le concours de précieux sponsors, l’organisation, grandiose, a pu se mettre en place, s’exécuter, brillamment. Un tee-shirt a été offert à l’arrivée tous les participants. Ce fuit une très grande fête. Et, au comble, la course fut sublime. Une bien jolie épreuve. Fouler les mégaras. Un départ donné sur la promenade, face à la mer. Prisée par les diplomates, les ambassadeurs de France et des Etats-Unis sont participants de l’épreuve reine. Il faut au peloton dense qui s’étire dès les premiers hectomètres emprunter les boulevards, parcourir une large boucle de la ville. De longues lignes droites, une visite pédestre des principales artères, l’ascension répétée des collines, des pentes douces, des descentes répétées vers le front de mer. Quinze nationalités sont représentées, des maillots de toutes les couleurs, bigarrés. Des hommes et des femmes élancés que tout unit. D’un premier échange avec un Américain, vous partagez vos foulées aux mêmes pas cadencés que quelques coureurs locaux. Un Allemand se joint au groupe. Le groupe se scinde. Certains lâchent prise. D’autres accélèrent, faussent votre compagnie. Le train emporte votre propre foulée. Tous s’unissent dans le même effort. L’osmose prit. Un semi marathon international est toujours  grand moment. Devant… Peu ou prou de temps pour admirer le rivage ou le céleste décor. Lakdar Hachani, Mosba Lagha et Med Ali Gmati se taperont une bourre, sans tergiversations, à un rythme effréné. Lakdar vainc sans sourciller. Il clôt le semi en 1h02’50’’, un chronomètre bien remarquable et remarqué au regard de la difficulté du parcours. La première dame, Safa Aissaoui gagne en 1h16’31. Des performances dignes de l’élite mondiale. Mais qu’importe le classement, l’essentiel était partie prenante de la fête, une liesse populaire, de tous âges, dynamique, tunisienne, internationale, heureuse d’être là, d’avoir couru et foulé le mégara.

Texte Brice de Singo.


Grand raid de la Réunion : faut-il vraiment être fou ?

 

 Mais que recherchons-nous en nous inscrivant à une épreuve comme le Grand Raid ? La souffrance, la douleur, l’introspection… ou tout simplement cette immense joie d’y être arrivé ? Allez savoir vous… Car ils ne sont pas si nombreux finalement à « avoir survécu » cette année encore. Moins de la moitié. Plus de 50% d’abandons. C’est énorme… C’est à tout cela que je pense en m’engouffrant dans une petite tente dressée à Foc Foc, du côté du Volcan sur l’Ile de la Réunion, au premier ravitaillement de l’épreuve. Vers le 20ème kilomètre. Il est 2h du mat. Il ne fait même pas 4°C à plus de 2000 mètres d’altitude. Et oui à la Réunion aussi il peut faire froid. Et en essayant de me réchauffer un peu, en réajustant mon petit k-way qui ne semble pas devoir me servir à grand-chose, je me rends compte que je ne suis pas le seul dans ce cas-là. Loin s’en faut. Je dois être classé dans les 300 ou 400 mais déjà les gars s’enfoncent dans les quelques couvertures mises à disposition. Les hypothermies sont nombreuses. Les abandons commencent déjà. Sébastien Chaigneau sera le premier à jeter l’éponge. Mais pour d’autres raisons… Je me réchauffe avec un thé bien chaud. Le médecin sur place annonce 35,5°C. Non, pas dehors, mais bien sur un coureur qui ne fait pas beau à voir. Et dire que cela ne fait que quatre heures que l’on est parti… Que va-t-il se passer un peu plus loin ? Et demain ? De toute façon, même si la forme est loin d’être au rendez-vous cette année pour moi, au moins là, je n’ai pas le choix. Il me faut continuer sur le prochain point. Au grand ravitaillement du Volcan… Je n’ai plus qu’une solution : me remettre à courir le plus vite possible pour faire remonter ma température corporelle. Cela a l’air de fonctionner. Je me réchauffe assez vite. J’arrête de trembler de partout. Mais je me fatigue du coup encore plus vite. Ah sacré Grand Raid, c’est mal parti. Mais qu’est-ce qui m’a forcé à m’inscrire cette année encore ? En fait c’est ce que tout traileur au départ doit forcément se dire à un moment ou à un autre de son périple réunionnais. Il ne peut en être autrement. Chaque année, le bilan est le même. Chaque année la difficulté semble augmenter. Et les organisateurs d’y prendre un certain plaisir. « Nous assumons totalement nos choix » explique à qui veut l’entendre Robert Chicot, le grand patron. « Nous savons pertinemment que la course est dure. Mais chacun doit en avoir conscience avant de partir et se préparer en conséquence… » Alors tous les ans, c’est le même débat. Pourquoi toujours plus long ? Pourquoi toujours plus haut ? Cette épreuve qui se bouclait, il n’y a pas si longtemps, en moins de 20h pour le vainqueur, ne peut s’envisager, ou rarement en moins d’une journée totale. Il faut un tour entier d’horloge et donc une nuit blanche pour s’en sortir. Mais du coup cela rallonge tous les autres temps de passage pour tous les concurrents. Il faut bien se rendre compte que quasi personne ne finit cette course en moins de 30h. Que plus de la moitié des inscrits n’y arrive pas… C’est tout simplement phénoménal. Presque trop…Surtout quand les conditions météos s’en mêlent. Je vous ai parlé ici du froid incroyable qui a régné dans les hauts de l’île, mais on ne peut pas ne pas parler de la boue qui aura joué son rôle de sape sur tous les organismes. Après Mare à Boue, dans la fameuse forêt de Bélouve, celle que plus personne ne pourra désormais envisager de la même manière, les jambes se sont enfoncées jusqu’à mi-mollet, parfois jusqu’au genou. Tout le monde aura glissé, sera tombé plus d’une fois. Et dire que l’organisation avait proposé un moment de zapper ce passage pour glisser vers une belle solution de rechange, du côté de la route forestière qui borde le sentier. Il n’en fut rien donc. Surtout ne pas rendre le tout plus facile. Comme un leimotiv à ne pas oublier. « Surtout que ça ne soit pas plus facile, ça se verrait ! »

Alors moi qui trottine encore du côté du Volcan, en pleine nuit, avec ma frontale pour seule compagne, je me suis trouvé quelques raisons. Si je suis là en ce moment, c’est avant tout pour vivre un moment d’exception, hors du temps. Le départ en fait partie. Il marque les esprits pour une vie entière. Agglutinés des heures entières sur une zone de départ d’où l’on ne peut plus sortir, comme emprisonnés de nos émotions, on sent la pression qui monte de minute en minute. Comme palpable. On essaye de fermer les yeux pour prendre encore quelques instants de sommeil à la volée. Mais cela n’est pas évident, la musique est trop forte. On dit bonjour à quelques connaissances. On n’ose pas trop discuter non plus histoire de ne pas disperser ses forces inutilement. Et à moins d’une heure du coup d’envoi, tout le monde se met debout. Comme un seul homme. Les cordes qui nous bloquaient jusque-là ont été retirées. On s’agglutine vers le sas de départ. L’entrée du stade. Mais il reste encore une bonne heure. Pourquoi si tôt ? Les minutes s’égrainent sur une horloge géante. Les regards se croisent, les sourires sont timides, mais bien réelles. On devient tous plus humains. Il n’y a pas plus de frontières, de culture, de religions, ni de différences sociales. Le groupe musical local qui nous a enthousiasmé jusque-là stoppe soudainement. Plus que deux minutes. Le titre phare de la chanteuse Adèle que l’on entend sur les ondes un peu partout actuellement nous transperce le corps. J’ai des frissons. La chair de poule. Je pense aux miens. A ma compagne qui est déjà repartie et que je ne reverrais que demain soir. A ma fille de cinq ans qui est restée en métropole. Tout cela vous submerge d’un coup. D’un seul. Et à moins d’une minute de la libération, vous vous prenez à essuyer une larme. Cet instant est magique, éternel… inoubliable ! Comme une bouffée d’émotion à l’état pur. On est si petit face à la souffrance à venir. Merci Grand Raid pour ce moment qui n’appartient qu’à moi et qui, je suis sûr, ressemble à tant d’autres autour de moi. On frappe dans la main de son voisin. « Allez bon courage ! » Et c’est parti. Tout de suite à fond pour les premiers. Nous on piétine, on essaye de ne pas tomber. Ca crie de tous les côtés… La Diagonale des Fous vient de démarrer. Il est 22h précises. Qu’est-ce que je fais là ? Je suis donc dingue… La suite est encore à écrire…Il y a plein de petits moments comme celui-ci qui jonchent les sentiers que nous allons prendre durant 30h, 40h, 50h… Une parole échangée avec un coureur, un lever ou un coucher de soleil, un rire de bénévole, un encouragement d’un spectateur inconnu, quelques mètres aux-côtés d’un enfant qui court aussi, l’embrassade d’une grand-mère, un souvenir qui remonte à la surface, une musique qui trotte dans la tête. Et puis surtout l’arrivée et son flot d’émotions incontrôlées. Pour ceux qui terminent bien sûr ! C’est pour tout cela que l’on s’inscrit en fait. Et pour bien plus encore. Alors qu’importe qu’il soit plus grand, plus long, plus dur et j’en passe, puisque de toute façon le succès ne se dément pas et que cela fait plus de 20 ans que ça dure. Les gens qui rouspètent sont les premiers à vouloir s’inscrire l’année d’après. Côté compétition cette année, on aura assisté, du moins pour la tête de course, à deux courses dans l’une. Il y a eu tout d’abord les gars qui se sont battus pour la gagne. Ce fut donc un trio de tête composé de Julien Chorier, Pascal Blanc et Freddy Thévenin… Et puis derrière eux, un quatuor de poursuivants avec là Antoine Guillon, Michel Lanne, David Mussard et Lionel Trivel. Très vite ce schéma sera mis en place et tiendra bon jusqu’à quasiment l’arrivée. A ceci près bien sûr que dans le Taïbit, Julien en profitera pour se défaire de ses camarades et ne sera plus jamais inquiété. A ceci près aussi qu’après avoir joué tout du long au chat et à la souris (une fois devant, une fois derrière), Freddy Thévenin, la star locale, finira par craquer dans la toute dernière portion, les dix derniers kilomètres, pour même se faire reprendre du coup par ceux de l’autre groupe qui n’ont jamais été bien loin. Ainsi Pascal Blanc signe avec sa deuxième place son meilleur Grand raid et Didier Mussard, toujours à l’affût, réussit finalement à monter sur le podium. Antoine Guillon venant mourir au pied celui-ci. Chez les féminines, les choses sont plus claires encore. Emilie Lecomte, après sa saison quasi-parfaite, prend d’emblée les choses en main. Elle se détache un peu après le Volcan, mais finalement dans la montée du Piton des Neiges, Karine Herry qui connaît fort bien l’endroit, réussit à recoller et même à prendre la tête… Elle ne cessera dès lors de creuser l’écart, se classant même 22ème au scratch. Emilie, elle, abandonnera un peu plus loin…Hélène Haegel et Christine Bénard complète le podium… Cette année donc, et pour la première fois, la barre des 50% d’abandons a été franchie. Est-ce un signe ? « Non, non » vous répondront les organisateurs. Après tout tant qu’il y en a quelques-uns qui y arrivent… C’est ça la Diagonale des Fous. N’est pas fou qui veut en fait !

 

R.J.


En avant pour l'Ultra Trail d'Andalousie...

 

Que diable venais-je faire dans cette galère ? En Andalousie, il fait tellement chaud et le descriptif de l’épreuve ne laissait aucune place à l’aléatoire. L’ultra trail andalou est une des courses les plus difficiles au monde. Il me fallait bouger, découvrir, faire ce voyage, courir, tout couvrir. Un besoin d’évasion, une insatiable recherche de sensations, de ressentis. Au quotidien, vie familiale et vie professionnelle m’avaient épuisé et j’arrivais sur le site las de mes habitudes. Comme beaucoup, je venais chercher ici un exutoire, une rupture avec la monotonie de mes habitudes. Je cherchais à évacuer les tumultes rencontrés, les émois, toute cette vie stressante. Comme beaucoup. Depuis quelque temps, l’âge allant, mon corps ne semblait plus aussi bien répondre aux différentes sollicitations physiques que je lui impose peut-être trop fréquemment. En arrivant à Malaga, je ne savais pas si j’allais réussir à en repartir en étant toujours le même. Pas facile. J’étais engagé depuis plusieurs semaines et je m’efforçais à relever le défi. L’effort allait être conséquent. J’étais venu me tester. J’avais une petite idée de ce qui m’attendait. J’étais loin du compte. Pour l’heure, il me fallait surmonter l’appréhension, me surpasser, prouver une fois de plus à mes artères que force et volonté peuvent transcender le bonhomme, le faire vibrer et lui prouver qu’il est bien vivant. Al andalu ultra trail. Un dépassement au bout de soi-même, pour soi-même, pas pour les autres. Seuls les initiés peuvent comprendre qu’on puisse tant se réjouir à repousser toujours plus loin les limites de son organisme. Et au-delà de cette transcendance avec ses pulsions les plus intimes, livré à sa propre inconscience, à la recherche de son moi, je me suis plu à découvrir aussi les autres.  Le cadre du jeu se situe en Andalousie profonde, le Poniente de Granada. Entre Malaga et Grenade, à l’intérieur des terres. Cinq villages étapes reliés : Loja, Alhama, Jatar, Jayena et Santa Cruz. Un sol aride, des cailloux, et des rayons de plomb. La chaleur de juillet ici terrasse les hommes, les contraint tels des insectes troglodytes  à se terrer calfeutrés dans leur demeure. Aux heures d’exposition, aucune vie n’anime la rue ou le champ. Le thermomètre dépasse constamment 40°. Quitter l’ambiance climatisée de l’aéroport vous saisit comme dans un four. Il fait chaud, terriblement chaud. Il faut attendre le soir, et la tombée de la nuit, pour que la vie sociale reprenne ses droits. Les rues fourmilleront à nouveau. Mais aux heures où sont courues les différentes étapes du trail, évidemment, le désert andalou ressemble toujours à un désert. C’est le jeu. Faut être fondus. Si on ne l’est pas, le soleil s’en charge. Eclatante de lumière, sous des cieux toujours bleus, l’Andalousie reste une jolie contrée, pas si lointaine, toujours sauvage, accueillante. Eloigné de la fraicheur du bord de mer, le Poniente de Granada est extrêmement vallonné. Les collines offrent des pentes systématiquement abruptes qui s’enchainent les unes aux autres. Leurs versants sont à perte de vue quadrillés de rangées d’oliviers, d’amandiers. Les champs de foin ont déjà été moissonnés. Le sol est desséché. La végétation ambiante reste hostile, épineuse. Sur les talus, au bord des chemins, se dressent de gros chardons aux fleurs violacées, du thym, des senteurs. Epars, des villages semblent s’être perdus sur les flancs des collines, abandonnés aux heures les plus chaudes. Les maisons aux murs blancs ont les volets clos, les toits sont autant de terrasses. On aperçoit un chat, des lauriers roses. Les sentiers empruntés par le raid sont la plupart du temps larges, caillouteux, poussiéreux. Le coureur y cherche le chemin tracé, un balisage de tissu rose que l’organisation a concocté, déposé. Jeu de piste. Çà et là, dans leurs enclos, des chevaux de sang pur andalou paissent. Un troupeau de chèvres erre. Un décor de western. Que des bons, pas de brutes, ni de truands. Une éolienne grince au vent et le peloton dégage en passant un nuage de poussière. Au fil des étapes, avec des dénivelés conséquents, le trail acquiert de l’altitude. Plus haut, sur les contreforts de la Sierra Nevada, les oliviers laissent place aux pins. Les arbres aussi semblent transpirer sous la chaleur. L’odeur de leur sève qui suinte parfume l’air, imprègne le coureur qui passe et qui s’amuse à shooter dans les grosses pommes de pin tombées sur le chemin. Livré à lui-même, le coureur s’abandonne à ses pensées, à ses rêves, à sa réflexion. Où cours-je ? Dans la vie disait Clint, il y a ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui ont une pelle. Où dois-je encore creuser ? Le team Axasport organisait dans un tel décor, du 11 au 15 juillet, la troisième édition de l’ultra trail andalou. Une mécanique désormais bien rôdée. Aucune erreur. Le directeur de course, Paul Bateson, Anglais de souche, son amie américaine Barbara, sa fille Michelle et son ami Keem, sont les garants du projet. Que de noms pourrait-on encore citer. Une entreprise organisatrice en partie familiale composée de proches, de volontaires, un staff anglo-américain venu en partie immigrer la contrée, tant de volontaires disponibles, avenants, compétents, mesurant l’ampleur de l’effort à fournir, ont su cadrer et protéger mentalement et médicalement les coureurs et l’intégrité de l’épreuve. Du top international. Soixante sept ultra fondus de vingt trois nationalités différentes, issus des cinq continents, auront pris cette année le départ, un tiers composé de féminines. Plusieurs d’entre eux ont déjà vécu les premières éditions et sont revenus. Un jour, à Babel, Dieu reprocha aux hommes leur mécréance et les divisa pour les punir, en instaurant les langues. Ainsi pensa-t-il, ne durent-ils plus se comprendre. Le temps d’un trail, là où chacun a du seul puiser dans son mental, dans son for intérieur, au plus profond de son individualité pour parvenir à couvrir l’incommensurable difficulté de l’épreuve, chacun est redevenu cinq jours durant citoyen du monde, altruiste, oubliant origines et clivages, solidaire de l’autre dans l’effort, l’encourageant, le félicitant, donnant à autrui ce qu’il était initialement venu chercher. Une dimension humaine, un rassemblement, une communion. Américains, Canadiens, Britanniques, Allemands, Néerlandais, Islandais, Libanais… La liste est longue. Parmi tous ces hommes, comment distinguer la dizaine de Français qui, sous la houlette de Gérard Verdenet, agent mandaté de l’épreuve, étaient au départ ? Des coureurs parmi les autres. Une équipe pour un seul esprit. La french dream team. Des vieux routards venus renouveler leur confiance en Gérard qui, tout au long de l’année, distille paternellement ses services sur des épreuves courues aux quatre coins de la planète. D’autres, plus néophytes ou plus timorés ont eu raison de s’appuyer sur son expérience pour essayer une première fois un tel challenge, et le réussir. Tous seront repartis sans que le chant du coq ne leur manque, sans cocorico de quatorze juillet. Tous repartiront enchantés, repus, fourbus, fiers d’eux-mêmes, satisfaits d’avoir tout donné, convaincus d’être avant tout des runners of the world, des citoyens du monde unis aux autres, aux voisins, par la passion commune qui anime chacun d’entre eux. Cinq étapes. Chaque jour, il faut gagner un autre camp sur un site plus loin. Entre quarante et soixante kilomètres à parcourir quotidiennement. More than a marathon by a day. Et avec des dénivelés positifs toujours supérieurs à onze cents mètres. Çà monte et çà descend. La chaleur assèche la bouche dès les premiers kilomètres. Le plomb du ciel fige l’allure. Dès le départ, le premier jour, l’ascension proposée calme les plus belles ardeurs, tant eut-il pu y en avoir de présomptueuses. Chacun se gère. Mille mètres de dénivelé sur les dix premiers kilomètres, ce n’est qu’un début. Un gâteau d’apéritif. Quarante kilomètres attendent les coureurs lors de la première étape. Deux cent trente seront à parcourir au final. Sous le soleil brûlant, exactement et sur la caillasse, tout le temps. Chaque jour, à la limite de ce qu’il peut donner, le trailer se dit qu’il faut poursuivre, finir l’étape. Mais qu’elle est longue et difficile. Tout lui fait physiquement mal et pourtant il poursuit, il s’accroche. Que diable est-il venu faire dans cette galère ? Petit à petit, au fil de la journée qui le réchauffe de plus en plus au point de le cuire, sa tête devient lourde, la lucidité s’estompe, il trébuche, se reprend, poursuit. Le soleil tape à grands coups, rougeoie les visages, la peau restée nue. Les teints se halent. Au fil de l’épreuve, de plus en plus souvent, les jambes ne veulent plus avancer, elles crient famine, veulent renoncer. Les chevilles sont malmenées. La vigilance du coureur doit rester permanente. Sur le sol irrégulier, il faut regarder où poser le pied. Le moindre déséquilibre sur une pierre ou dans un trou tétanise le muscle. Couverts d’ampoules, les orteils et les talons saignent. Et pourtant… Pourtant, l’ultra fondu continue, gravit, rampe, se traine et, à force de courage, de pugnacité, parvient au but. L’étape finie, il faut penser à enchainer celle du lendemain, qui ne sera certainement pas plus facile. Massages, étirements, soins, repos. Des litres de soda, quelques bières, du sel, du sucre. Aux kilomètres de poussière soulevée succèderont d’autres kilomètres de poussière. Aux côtes succèderont d’autres descentes. Aux crampes, aux courbatures, aux jambes qui disent déjà non le matin, la tête, elle, répondra oui. Et vaillamment, le trailer poursuit son but. Terminer. Quelques uns abandonneront. Mais même la roche ne résistera pas à la volonté des plus téméraires. De cet univers particulier, de cette ambiance cosmopolite, on pourrait dresser plus d’un portrait type. Nombreuses sont les personnalités présentes, participantes que l’on pourrait encenser, magnifier ou simplement caricaturer. Tous ont gagné, vainqueurs d’eux-mêmes. Comme pour toute épreuve, il y eut bien un classement, du premier au dernier. Le couple de Britanniques, Riel Carol, 37 ans et Helen Taranowski, 38, se sont montrés indubitablement les acteurs les plus véloces. Riel est de père espagnol, de mère française. L’esprit ouvert, sans frontière, il vit à Londres et y a rencontré Hélène. C’est lui qui remporte chacune des cinq étapes en les dominant outrageusement. 19h26 pour parcourir les deux cent trente kilomètres de course sur un tel relief. Plus de 2h30 d’avance sur son poursuivant direct Richard Webster. Une course consciencieuse, étudiée jour après jour, contenue, mesurée. Difficile de soutenir son allure. Son amie Hélène partage la même passion et les deux courent souvent ensemble, quand leur emploi du temps le leur permet. Championne d’Angleterre du cinquante kilomètres, Hélène ravit la coupe féminine, se classe troisième en 22h06 au scratch de l’épreuve, terminant même deux des cinq étapes seconde juste derrière celui avec qui elle partage sa vie. Pourquoi devrais-être amené en fin de course à livrer tant d’impressions personnelles? Après un tel partage, je peux aisément relater l’événement au nom de tous, comme un porte-parole. On ne rentre effectivement pas de l’ultra trail andalou comme on en est parti. Personne ne peut rentrer insensible et indemne d’une pareille aventure, d’un tel recueil. La vie est ainsi faite d’épreuves nouvelles, de dépassement de soi, de rencontres marquantes et de bonheur partagé. Des quatre coins du monde, des hommes sont venus se retrouver, parler, partager. Puis ils s’en sont allés, se sont séparés, se sont promis de se revoir, de continuer à échanger. L’aventure fut avant tout humaine. J’ai donné tout ce que je pouvais. J’ai reçu bien plus encore. Je me suis oublié, oublié l’état d’esprit maussade qui me minait en arrivant. Sur le plan sportif, les efforts requis sur la course m’ont transcendé, calmé. Belle addiction que la course à pied. Le corps secrète ses propres endorphines. Beaucoup sont parvenus à courir toute l’épreuve, se sont dépassés, libérés. Comme tous les autres, je ne peux que confirmer qu’on rentre de ce périple enchanté. Et si, en lisant ces propos, l’ultra trail andalou l’année prochaine vous aussi  vous tentait, et bien, vous vous rappelerez…. www.andalus-ut.com. J’y serai.

Brice de Singo (bricero@laposte.net). Retrouvez le reportage photos de Brice en cliquant  ICI 

 

 


Les bonnes sensations d'un touriste à Rabat

 

 On appelle cela du tourisme affinitaire. Invités par un couple d’amis à venir découvrir la ville de Rabat dans le cadre du semi-marathon, Frédéric Vignaud, son épouse et ses filles, installés à Cergy-Pontoise dans les Hauts de Seine, ont joint l’utile à l’agréable en effectuant le voyage vers le Maroc pour 72 heures. Un séjour touristico-sportif pour le papa, coureur à pied à ses heures perdues, et soutenu comme il se doit par ses fidèles supportrices.
Ceinture noire de judo, Frédéric a accepté pour Running Mag de raconter son expérience, de donner son avis sur ce semi marocain qui, forcément, n’a rien eu à voir avec celui de Paris qu’il venait de boucler trois semaines auparavant. Récit.
« Avant le départ : l’ambiance est joyeuse et enthousiaste, la présence des enfants au milieu des coureurs procure une atmosphère très différente des autres courses. Tout cela est finalement agréable ; il n’y a pas de bousculade, on voit la ligne de départ, on se place facilement où on veut.
« Le départ: Tiens, c’est parti. Je n’ai pas vraiment entendu le coup de pistolet, persuadé qu’il va intervenir dans quelques minutes. Pas grave, je suis le mouvement, tranquille ! 300 m  plus loin, on peut courir  sans gène, il y a de la place !
« Les premiers kilomètres : on continue avec les voisins d’effort du moment les conversations entamées en attendant le départ. Et vous, vous visez quel temps ? 2 heures?  Et vous, vous venez d’où ? De Casa ! Moi, de Paris ! ….. Les enfants nous doublent. Ils ont combien à faire ? 6 km ? Hou là, ils vont avoir du mal…
« 4e km : la discussion démarre avec une personne qui court à mes cotés depuis environ 2 bornes. 
C’est Ken. Il est Britannique, il travaille à l’ambassade à Rabat, aujourd’hui même il est grand-père… Ken parle français, avec quelques fois des difficultés pour comprendre ce que je dis. Eh oui, on papote en courant. Ce n’est pas toujours facile. Je m’exprime en anglais mais il répond en français. Je pense qu’il préfère faire l’effort de parler français. C’est le premier Anglais que je rencontre et qui fait ce genre d’effort ! Respect !  Nous continuons donc en français !
Le tracé du parcours proposant un aller-retour sur une large avenue, on croise la tête de la course. C’est super de pouvoir voir les premiers ! Ça met quand même un petit coup au moral quand on voit à quelle vitesse ils courent !
« 5e km : Ach ! Pas d’eau au ravitaillement. Je suis un peu inquiet s’il faut faire toute la course sans eau. Mais je me dis que si il n’y a pas d’eau au 10e km, je m’arrêterai chez l’habitant.
« 9 -10e km : nous n’avons guère vu beaucoup de public depuis le départ. Et là, bonne surprise, un groupe de supporters, des femmes et des enfants au nombre de trente environ, encourage tout le monde.
« 10e km :  De l’eau ! Ouf ! Le temps n’est pas très chaud mais c’était nécessaire ! Avec Ken, on regarde la montre : 1 heure de course. C’est bon.
« 12e km : le paysage a changé avec de grands bâtiments modernes, des écoles…
« 15e km : Ken réduit l’allure, je prends un rythme plus soutenu et je lui dis que l’on se retrouve à l’arrivée. Je dépasse les autres. Il y a pas mal de coureurs qui marchent ! Tout va bien. La traversée des artères est un peu plus délicate, la course s’est étirée, les voitures passent par intermittences aux différents carrefours.
« 16e km : je paye un peu mon accélération dans une petite côte ….. Je réduis l’allure.
« 17 ou 18e km : grands changements dans le paysage avec de la verdure à perte de vue sur la droite. C’est Chellah. Magnifique ! Les murailles ocres sur la gauche sont superbes. 
 « 20e km : on entre dans la ville. Ouf on arrive bientôt !
« L’arrivée (Frédéric termine 683e en 2h06’08) : il n’y a pas beaucoup de place derrière la ligne pour marcher et s’étirer un peu. Il n’y a pas de récompense, pas de médaille. Ce n’est pas le plus important car le semi a été très agréable, avec un parcours sympathique et une bonne ambiance.
« Conclusion : je reviendrai…»

 


Un régional au Guyan'Trail !

Cela fait quelques jours déjà que je suis rentré de Guyane et souvent, encore, en m'endormant je revis ces quelques "runs" en pleine jungle amazonienne. Il faut bien avouer que je ressens comme un sentiment de liberté au moment de revivre, en mode intérieur donc, cette aventure extraordinaire. Oh, bien sûr, ce fut dur. Très rude même. Avec climat tropical si moite et si humide ! Avec son chemin à chercher sans arrêt, cette attention permanente en courant pour ne pas buter contre une racine, un rocher, pour ne pas se prendre une branche un peu plus haute aussi. Et puis il y a eu ces distances. Plus de 20 kilomètres à chaque étape et ce pendant une semaine. Oui je sais, sur le papier, 20 km, ça le fait pas trop. Mais en pleine fôret, en train d'escalader des rochers, des troncs, en train de nager, en train de monter, descendre, de glisser, de chuter et toujours de relancer, cela fait vite quelques heures à chaque fois. Et je ne vous parle même pas de la longue "étape" de 42 km. Le marathon de la Jungle qu'ils disaient. Là où les deux premiers, Christophe Lesaux, également organisateur, et Guillaume Lenormand, mettront tout de même plus de 5h. Donc on est bien d'accord, ce fut dur et cela laissera des traces sur l'organisme durant quelques semaines encore. Mais moi ce qui m'a le plus marqué, au delà de cette douleur bien coutumière, c'est cette impression de liberté totale. Et c'est ce à quoi je pense, qui ressort par tous les pores de mon corps, avant de plonger dans le sommeil, tous les soirs depuis que je suis revenu. L'Amazonie, c'est le poumon de la planète. Quand vous y pénétrez, vous avez le sentiment de passer dans un autre monde, une autre dimension. Là-bas, le sentier qui a été tracé pour et par quelques aventuriers du cru, peut se refermer en quelques semaines si il n'est pas entretenu. La fôret est envoûtant, omniprésente. Il faut faire attention à tout. Tout le temps. Il y a des racines, des cailloux, des troncs, de l'eau qui sont notre quotidien à nos pieds défendants. Mais il y a aussi les lianes, les branches, les feuilles qui sont à portée de nos yeux. Certains se blesseront. D'autre tomberont. On n'en repart pas indemme de toutes façons. Mais au moins la nature est reine. C'est elle qui commande. Et je ne vous parle même pas de cette faune que l'on ne fera que croiser, qu'observer de loin car trop bruyants. Et c'est quelque part tant mieux ainis avec nottamment les rencontres avec des serpents les plus vénimeux de la planète. Quand on court, on ne pense pas au danger. On court et on se focalise sur sa respiration, sur ses ravitaillements et on garde tous les sens en éveil. Bref on en profite. On a pas le temps d'avoir peur. Et c'est vraiment cela qui est magique. On se laisse envahier par toute cette nature luxuriante. Les arbres vous protègent, vous entourent, vous enserrent. Vous ne craignez plus rien. Drôle de sensation en vérité. Jamais je n'ai connu ici cela sur des sentiers de France. J'ai le sentiment d'avoir vécu quelque chose d'unique. De différent aussi. Et j'ai déjà envie d'y revenir. Là-bas toute la fôret est propre. Il n'y a pas de détritus dans les sentiers. Oh je ne dis pas non plus que tout est beau aux alentours mais ce qui est certain, c'est qu'en pleine jungle, peu de gens s'y aventurent aussi et que finalement ça préserve le site. Dommage qu'il y est cette "pu..." de déforestation quelques centaines de kilomètres à l'intérieur. Et ces oprailleurs aussi qui ne font pas que du bien... Bref je ne peux que vous conseiller cette immersion en pleine nature. Comme un retour aux sources. Mais attention toutefois : c'est vraiment dur ! Il y a sept étapes de 15 à 42 km. Et à chaque fois on part en auto-suffisance avec son camel et son ravito pour au minimum deux heures. Mais cela monte jusqu'à six ou sept. Bref il y aura forcément une troisième édition. Puisque Christophe est un vrai passionné et qui ne lâche jamais le morceau. C'est d'ailleurs lui qui remportera le classement général final au bout du compte. En plus de tout organiser, c'est un sacré bonhomme. Infatiguable. Et qui voulait absolument faire découvrir à ses potes, triés sur le volet tout de même, son terrain de jeu. C'est chose faite pour moi. Maintenant on pense déjà à mars prochain avec cette troisième édition. Il n'y aura que cinquante élus de toute façon. Et c'est d'ailleurs mieux ainsi car la jungle finalement, ça se mérite !

Pour retrouvez tout l'album photos de cette semaine de course. Cliquez  ICI . Les vidéos en suivant ont été réalisées par Thomas Prudhomme.

 

 

 
 
 
 
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Week End Trail à Tataouine : Une autre manière de fêter nouvel an

 

En course à pied, Tunisie rime avec Azdine Ben Yacoub. En effet, l’organisateur de ce premier WET en Tunisie n’est pas novice dans le domaine des organisations de courses dans le désert puisqu’on lui doit le marathon des oasis, le Tozeur trail, ou encore le semi-marathon d’Hammamet. C’est donc tout naturellement qu’Azdine a dit oui à Olivier Gui, son ami de 20 ans (concepteur avec Alain Aubrion des Week end Trail), pour un WET spécial en Tunisie à l’occasion du nouvel an. Une cinquantaine de français ainsi qu’une vingtaine de tunisiens se sont donc retrouvés du coté de Tatatouine pour disputer trois épreuves en deux jours : un prologue de 22 kms reliant le petit village de Guermassa au village troglodyte de Douriet puis une nocturne de 9 kms et enfin la spéciale le lendemain de 25 kms. Trois épreuves, trois parcours différents.

Mais, ce week end trail de quatre jours était aussi placé sous le signe de la découverte : découverte de Djerba, l’amour de sa vie pour Azdine. Notre maître de cérémonie nous a bichonnés tout au long de ces quatre jours et nous n’avons pas eu le temps de dire ouf. Car, Azdine, s’il ne court plus trop (c’était un bon athlète il y a une vingtaine d’année, et possède même un record à 2h28 sur marathon), est à fond toute la journée. Il nous a concocté un programme intensif et ultra varié si bien que nous avons l’impression d’être restés une semaine en Tunisie, un air de fractionné en fartlek ! Nous n’avons jamais mangé ou dormi deux fois au même endroit. Notre guide Tahar, nous a raconté la Tunisie et la région de Tataouine avec passion et précision. Nous avons traversé en bus ou en courant des régions magnifiques, avec des champs d’oliviers à perte de vue avant d’arriver dans le désert aride où seuls poussent par ci, par là, quelques oliviers ou dattiers avec un peu de céréales à leur pied.
 
Mais place à la course.
Le prologue fut de toute beauté,très typé trail avec de grosses montées en pierriers et de bonnes descentes techniques, sur un terrain très rocailleux, tout cela dans un décor sublime de Western américain. C’est du trail comme j’aime. Je profite pour faire des photos tout au long du parcours, des vidéos, car je suis surtout là pour ça,  très rapidement je me retrouve avec Jean-Pascal, débutant dans la course à pied mais qui envoie bien, puis Olivier nous rejoint. Nous ferons quasiment les deux tiers du parcours ensemble. L’arrivée sur le village de Douriet, un grand moment de bonheur, j’aurais voulu m’arrêter pour contempler le paysage, mais je suis dans une compétition. On arrive sur un sentier en balcon, quelques rares habitants sont là, les enfants aussi avec leurs bourriquots et les bouteilles d’eau pour nous. A 200m de l’arrivée, Olivier Gui dégaine son appareil photo et mitraille un à un tous les coureurs qui arrivent. On se sent des stars. Puis c’est Alain Aubrion avec sa vidéo et Azdine qui nous accueillent sous l’arche. L’ambiance est intimiste, on a l’impression de former une grande famille, on se sent dans une bulle bien protégée. C’est Dominique Chauvelierqui tire le mieux son épingle du jeu en remportant la première manche. Chez les filles, victoire de Nadine Vitoqui devance de quelques secondes la toulousaine Emmanuelle Brothier. Pour ma part, j’ai 10’ de retard sur les deux premières, et 6’ sur la troisième, Annie. Je sais qu’il va falloir tout donner dans la nocturne pour remonter un peu dans le classement. Je me souviens qu’à Saint Pée, j’avais bien tourné dans la nocturne et fait la différence avec ma challengeuse.
Cette nocturne sera un peu folklo, ponctuée de quelques égarements, le traçage au sol n’étant pas assez conséquent. Les signaleurs bien qu’équipés de frontales (pas toujours en état de marche) et de lumières fluorescentes, ne sont pas toujours bien visibles et ont tendance à courir un peu partout, ce qui contribue au jardinage dans les pierres. C’est comme cela qu’après une superbe montée bien rocailleuse et en zig zag sur le plateau au dessus du village, malgré une ultra concentration sur le marquage au sol, je commence à m’égarer avec mes coéquipiers du moment. Alors on s’arrête, puis on fait demi-tour, on repart dans une direction, puis dans une autre, bref on tourne en rond. Petit à petit le groupe grossi, mais on finit par retrouver le bon chemin. Intérieurement, je peste. Un peu plus loin c’est Dominique Chauvelier qui jardine à quatre pattes dans les pierres, une découverte pour lui. De mon coté, satisfaite d’avoir enfin retrouvé le bon chemin, je prends la poudre d’escampette avec un gars, et j’envoie sur un bon rythme, mon objectif est de semer sur cette étape Annie. Au milieu de la course, place à la magie de la nuit : nous traversons un sentier un balcon orné de part et d’autres de petits feux comme des lampions pour nous faire une ola. Les tunisiens nous encouragent de toutes leurs voix, l’émotion est forte. Nous arrivons sur la fin du parcours, et là, grosse hésitation sur une flèche, elle a l’air d’aller sur la droite et ça monte fort, on décide de continuer le sentier en descente, c’était ce qu’il fallait faire. En revanche, le groupe d’Emmanuelle Brothier s’est retrouvé embarqué par un signaleur sur cette montée, une flèche pas bien comprise non plus par ce bénévole semble-t-il. Lorsque nous les apercevons au-dessus de nous, grosse inquiétude, je me demande ce qu’ils font la haut et si nous ne nous sommes pas trompés. Courir à la frontale a vraiment une saveur particulière. Chocho n’arrive que 4è, tandis qu’Emmanuelle Brothier, égarée sur le gros caillou, me passe de justesse à cinquante mètres de l’arrivée. Je suis contente, je suis 13è de cette nocturne m’annonce Monique, un chiffre porte-bonheur me dit-elle (jour de naissance de mon 2è fils, 13 mai 4, 20, 13) j’ai mis 4’ à Annie sur ce coup là, et remonté d’une minute Nadine. Je sais qu’il va falloir faire encore mieux dans la spéciale, et je me dis que la 3è place ou même la 2è est peut-être jouable.
Pour la Spéciale, donc, pas de photos, pas de vidéos. Place à la course. Au coup de sifflet, ça part à fond, Nadine me passe très vite, ainsi qu’Annie. Intérieurement, je me dis qu’Annie se sent menacée et qu’elle prend les devant, va-t-elle tenir ? Tandis que Nadine veut continuer de rivaliser avec Emmanuelle. Mais c’est oublier les jambes de bois que nous avons après deux épreuves et un repas bien arrosé au champagne et au vin rouge. De mon coté, je me suis limitée à un verre de champagne, mais j’ai bien carburé sur le Bordeaux, là, je ne laisse pas mon verre, ni la bouteille à moitié pleine. Mes jambes me rappellent mes excès et mon relatif manque d’entrainement pour cette compétition. Emmanuelle disparait de mon champ de vision dès les premiers mètres,mais j’ai Annie et Nadine en ligne de mire. Annie a l’air bien malgré tout, mais je sens Nadine à la ramasse comme on dit. Je la passe au 7è ou 8è kilomètre et je me dis que je ne dois jamais me retourner. Je dois courir, courir, et courir pour lui prendre 10’, c’est à la fois peu sur 28 kms, mais beaucoup aussi. Est-elle suffisamment à la ramasse ?  Tout d’un coup, vers le 10è kilomètre, je vois Annie qui me dépasse, mais d’où sort-elle, elle était devant moi. Pause technique me répond-t-elle. J’essaie de l’accrocher, mais elle court comme une gazelle. Je l’aurai en ligne de mire jusqu’à la fin, mais j’avoue que j’ai un peu lâché dans les derniers kms. Je dois aussi signaler la manière particulière de courir des tunisiens. En effet, j’ai suivi pendant des kilomètres un 4x4 militaire avec deux coureurs tranquillement assis à l’arrière. Je pensais que c’était des abandons. Mais au ravito du 20è, ne voilà t-il pas qu’ils sortent du véhicule, qu’ils boivent un coup et qu’ils se mettent à courir. Tricherie ?  Cette Spéciale est particulièrement éprouvante : circuit roulant, pas de montagnes à gravir, aucun répit, il faut courir, courir, et encore courir en avalant les faux plats, les cailloux et surtout les quelques passages de sable qui vous cassent bien le rythme. Inutile de dire qu’à la vue du minaret du village, alors que le GPS indique 23 kms, les questions se posent. Est-ce l’arrivée ou pas ? Y a-t-il encore 4, 5 ou 8 kms à faire, car lors du prologue nous en avons fait 4 de plus que prévus. L’arche du l’arrivée se distingue à un kilomètre, chouette, je suis bien contente que ce soit fini. Une fois la ligne passée, je regarde mon chrono défiler en espérant ne pas voir arriver Nadine trop vite. Ah, la voilà, je compte les minutes qu’elle a de retard, mais je crois bien que je suis quand même dedans. Et oui, finalement il m’aura manqué 58’’ pour la battre.  Chez les hommes, c’est encore Chocho qui remporte cette spécialeet donc le WET en 4h26’05 devant Stéphane Fassino et Herbé Folléas. Emmanuelle Brothier fait la différence en creusant l’écart. Elle signe une marque à 5h27’15, devant Annie Delabre, 5h42’10 et Nadine Vito, 5h44’52. Au village de Ras el Oued, la population attend les derniers coureurs pour les accompagner sur les derniers mètres. Un bon repas sera servi sur une terrasse à proximité de l’école du village, puis retour à Djerba avec halte à Tataouine pour goûter les fameuses cornes de gazelles qui en sont la spécialité et parait-il les meilleurs du monde. S’en suivra une belle soirée avec remise de récompenses à Djerba où tout le monde pourra enfin se lâcher, quoique personne ne s’est vraiment privé des bonnes choses à manger et à boire qui ont été proposées par l’organisation tout au long de ce long week end de fête.
Car c’était bien  l’esprit de fête, de partage et de découverte qui a prédominé, même si chacun, une fois sur la ligne de départ a joué la compétition et la performance. Une course à faire et à refaire pour découvrir l’accueil tunisien, le bivouac berbère dans le désert, la nuit dans le site troglodyte, un nouvel an pas comme les autres et la formule Week end Trail sans oublier Azdine.
Dimanche matin, nous repartons les bras chargés d’un panier en osier, avec huile d’olive de la production d’Azdine, et une belle boîte de cornes de Gazelles, qui seront vite avalées par mes trois bouts de choux qui ressemblent plus à de grands ventres.
Retour difficile au travail lundi, la tête est pleine de souvenirs.
Nathalie Wurry
 
Les vidéos :
 
 

 

 


 


La Transmartinique 2010 : une expérience unique au paradis !

 

Cela faisait un moment que je m’étais dit qu’il faudrait un jour que je tente un trail de nuit. Tout de nuit. Juste pour l’aventure en fait. Un petit trip pour changer de façon de courir. Mais il faut bien admettre qu’il n’y a pas énormément de courses du genre dans le calendrier. Bien sûr je ne compte pas ici les ultra au long cours où il faut passer une nuit forcément de course, mais bien souvent comme elle intervient après déjà une journée à suer et à forcer, elle était plus axée sur la marche ou même sur la récupération avec quelques heures à dormir. Bref difficile de se faire une idée précise de la vraie course de nuit. J’avais tout misé en 2010 sur l’UTMB, en me disant qu’avec un départ à 18h, il me serait difficile d’y louper. En effet je me voyais mal commencer à me reposer d’entrée de jeu, mais la météo en aura donc décidé autrement. Aussi, même si d’emblée, je me disais que c’était un peu bizarre sûrement d’aller à la Martinique, pour courir une épreuve aux paysages extraordinaires, sans guère en profiter justement, cela paraissait un peu incongru… Je me suis vite laissé embarquer pourtant. D’une part parce que c’était l’occasion rêvée de passer des petites vacances en famille et inutile de dire qu’avec la météo que nous avions mi-décembre en métropole, cela n’avait pas de prix. Ensuite parce qu’en cette année 2010 justement, je n’avais pas eu ma dose de longues distances. Loin sen faut. Suite à l’UTMB avorté, je me retrouvais un peu le bec dans l’eau. Avec ce besoin de couper l’entraînement suite à la longue préparation nécessaire et cet envie de continuer pour refaire quelque chose dans la foulée… Bref la vie familiale et sociale, vous savez ce que sait, aura finalement repris le dessus et j’ai laissé traîner ainsi jusqu’à la fin de l’année. Heureusement donc que cette Transmartinique est arrivée. A point nommé. Elle m’a permis de me relancer juste à temps avant les fêtes de fin d’année et ses kilos superflus qui se profilent à l’horizon.Alors la Transmartinique, ce sont deux courses au choix. Un 130 kilomètres avec plus de 5000m de D+. La Transmartinique proprement dite donc qui traverse l’île de par en par. Et puis le Défi Bleu, qui lieu propose 60 km pour un peu moins de 2000m de D+ avec donc ce fameux départ à minuit. J’ai opté pour la deuxième version. D’une part car je savais mon entraînement largement insuffisant pour aller au bout du long, du moins sans y laisser quelques plumes, d’autre part aussi parce que je gardais tout de même à l’esprit le fait d’avoir testé une autre épreuve sur cette île quelques années auparavant. Le Tchimbé raid que beaucoup connaissent sûrement. Et les descentes des fameux Mornes, véritables petites montagnes locales, m’avaient laissé un goût amer. Impossible en effet de ne pas glisser, tomber, chuter sur ses sentes recouvertes de boue. A la Martinique, la météo change très vite et l’humidité, dans certains endroits, est vraiment l’ennemi publique numéro un du coureur à pied quelqu’il soit. Outre le local évidemment !Aussi la première difficulté qui m’est proposé sera celle de se faire au décalage horaire en quelques jours seulement. Je débarque sur l’île le mardi soir, mais en vérité pour moi c’est déjà le mercredi matin. Deux heures du mat. L’accueil réservé par les organisateurs est convivial, chaleureux même. Il est vrai que je les connais déjà depuis quelques années. Dans l’avion, il y a une dizaine de coureurs. Mais comme celui-ci est plein à craquer, difficile de taper la causette, à moins bien sûr de demander à tout le monde si il est là pour la course. Le pilote nous annonce un bon 26° C à 20h30. Cela promet pour le milieu de la journée. Pour l’heure, c’est illico presto vers l’hôtel du côté de Sainte-Anne, là où seront jugées toutes les arrivées des deux épreuves. Encore trois quarts de course. Il faut tenir avant de s’écrouler sur le lit avec la clim en fon sonore. Le lendemain, c’est aussi très difficile de ne pas se lever aux aurores. A 10h, heure métropolitaine, il n’est que 5h du mat sur place. Vous voyez le topo ! C’est donc le premier petit tour à la plage, non loin, et le premier plouf. Attention aux méduses qui rôdent toutefois…Le briefing se déroule le lendemain soir du côté de l’aéroport. Rebelote donc, il faut refaire la route en sens inverse. Mais le club Manikou a fait les choses en grand pour la remise des dossards. Jus de fruit local, mangue, passion, prune au choix et un parcours projeté en 3D sur grand écran. Pascal Brisard, le maître de cérémonie, nous explique en détail tous les petites difficultés de l’ensemble du tracé. Et il y en a pas mal. A commencer par quelques portions de montées hyper-pentues sur bitume. 30% sur quelques kilomètres. Impossible de courir. Il leur tarde de savoir comment on va « trouver » la chose ! Petits plaisantins…Bref il va falloir surtout réussir à se reposer pour moi la veille de la course. Car le décalage aidant ce n’est pas évident de trouver le sommeil vers 19 ou 20h pour fermer l’œil, ne serait-ce, que quelques heures… Surtout qu’il me faut prendre le bus à 22h précises à Sainte-Anne justement. L’ambiance à l’intérieur est vraiment très calme, posée… Chacun intériorise l’effort à venir et essaye de dormir un peu. Je suis zen et y arrive même durant une quinzaine de minutes. Sur place, une fois le contrôle du dossard passé, il faut encore patienter deux bonnes heures avant le grand départ. Là je retrouver un ancien copain d’Agen. Un excellent coureur de 10km en vérité, déjà descendu sous les 29’30’’ et qui est en mission pour quelques mois sur l’île. Il est militaire. Il me propose un lit pico. Car il est déjà en train de suivre le grand parcours qui lui est parti déjà depuis six heures du matin. Le village du François, d’où doit s’élancer le Défi Bleu, est aussi un grand point de repos pour la Transmartinique. C’est déjà une occasion de faire le point sur l’épreuve des cadors. Je les ai suivis sur un ou deux points durant la matinée, histoire de faire quelques photos. Julien Chorier était en tête, le grand favori, quand j’ai laissé la course. Mais il n’était qu’au kilomètre 44. Mon pote m’explique qu’il est passé au François en début d’après-midi, toujours seul en tête. Pourtant vers 23h, il devrait déjà être arrivé à Sainte-Anne et l’organisateur vers qui je me tourne maintenant pour connaître les dernières nouvelles m’explique que personne n’a encore fini et que Julien s’est fait doubler par Widdy Grégo, le Guadeloupéen. J’apprendrais beaucoup plus tard, le lendemain matin donc vers 8h, que Julien s’est pas mal perdu et a été obligé de rafûter pas mal pour finir. Finalement deuxième.Pour l’heure, je suis tout heureux de pouvoir dormir un peu. Et sur ce lit de fortune, malgré le bruit autour de moi, j’y réussis même assez bien. Peut-être une demi-heure. C’est toujours ça de pris. Le départ est donc donné et l’aventure commence.Tout d’abord, il faut suivre un véhicule durant quelques kilomètres. On fait ainsi tout le tour de la ville du François. Je prends mon rythme sans me poser de questions sur les autres concurrents. Je sais juste que nous sommes 200 au départ. Mais je ne connais personne. Les meilleurs sont, c’est certain, sur le long… Bien vite on prend un chemin sur la gauche et on entre dans des champs de cannes à sucre. C’est le moment, enfin, de tester ma nouvelle frontale. Je me la suis offerte tout juste pour cette course. J’étais resté en effet sur une très mauvaise impression à l’UTMB, avec une visibilité quasi-nulle avec, il est vrai, des conditions météos épouvantables. Là il ne pleut pas et le ciel n’est pas vraiment dégagé. Il fait vraiment noir mais la portée de ma lampe est impressionnante. Vive la Mio XP. Je peux trouver rapidement les rubalises qui se reflètent dans ma lumière. Par contre, évidemment, dès que je veux accélérer un peu, j’ai du mal à saisir toutes les aspérités du terrain. Un chemin dans les cannes, ce n’est pas vraiment tout plat, tout lisse. Aussi je ne vois certains trous, certaines flaques, qu’au dernier moment et je suis obligé de rattraper mes appuis presqu’à chaque instant. C’est de fait ce qui sera le plus difficile pour moi à gérer sur l’ensemble de ce parcours. Car au bout d’un certain temps, des muscles se réveillent. Quand la foulée est totalement différente de l’habitude, c’était inévitable. Pourtant après avoir traversé, la fameuse habitation Clément, sans m’y arrêter toutefois pour déguster le plus fameux des rhums locaux, je ressors de l’autre côté des champs et plantations et retrouve le bitume. Ayant repéré l’endroit, deux ans auparavant justement, en suivant cette même épreuve pour un reportage, je ne suis pas surpris de voir la route s’élever inexorablement… et fort rapidement. Sur un kilomètre à peine, vous prenez peut-être 300m dans la vue, c’est hallucinant. Heureusement que l’on vient juste de partir. Car l’effort est intense et nuit ou pas nuit, le maillot est déjà gorgé de sueur. C’est le Morne Valentin. Celui qui précède la Montagne Vauclin. Véritable chemin de croix jalonnée de sept croix, très visibles elles. Sur cette portion, pas vraiment besoin de lumière. Il y a des maisons, des véhicules… Il y a même une boîte de nuit d’où les encouragements nous parviennent hauts en couleurs. Tout en haut de la montagne du Vauclin, on peut même deviner le stade et les lumières de la ville en contrebas. Et dire que si on avait juste continuer un peu la route depuis le Valentin, on débouchait directement sur le site du ravitaillement. J’espère vraiment que personne n’a osé cette bifurcation ? Cela aurait vraiment dommage pour une telle épreuve de ne pas faire absolument tous les kilomètres proposés…Je fais très attention dans la descente du Vauclin. On y a installé des cordes spécialement pour nous, coureurs. Quand il pleut c’est une vraie patinoire. Mais heureusement pour moi, un peu maladroit, il n’y a pas eue goutte. C’est même hyper sec. Pour la Martinique.Je prends tout mon temps. Mais je ne vois personne derrière, me revenir dessus. Je pense donc que j’ai une bonne avance sur mes poursuivants car ralentissant ainsi par prudence, je croyais vraiment attendre ceux de derrière. Histoire de faire un bout de chemin ensemble aussi. Bref je ne tarde guère sur le grand ravitaillement du Vauclin. J’y suis accueilli pourtant par des percussionnistes endiablés qui ne semblent pas devoir arrêter de la nuit. Je déguste une belle banane locale. Inutile de se priver en fait. D’une part ça recharge les accus et d’autre part, elles sont vraiment délicieuses ici. J’encourage au passage une concurrente que je connais d’une rencontre sur une autre course lointaine. Elle était une des favorites de la course. Elle semble un peu dépitée en train de manger un bol de soupe. Je l’encourage en tout cas du mieux que je peux avant de repartir. Yannick est aussi une des rares françaises à avoir réussi l’ascension de l’Everest. Soit dit en passant. Je me dis qu’il ne me reste plus qu’à regagner la plage et que le plus dur est passé. En effet les trente derniers kilomètres de la course sont autant de bornes longeant l’océan. Entre sable et sentiers côtiers. Sans guère de dénivelé. Pourtant après deux heures et demie de course, je commence à accuser le coup. Comme une brutale envie de dormir. Qui me prend d’un coup. Quelques minutes après, un coureur me passe comme une bombe. Je suis au beau milieu de la première plage à couvrir. Du côté de Macabout. Le sable ne permet toujours pas de dérouler sa foulée idéalement. Je piétine et laisse filer Joël. Je ne l’avais même pas arriver. Je reprends bientôt un peu de peps et revient sur un coureur qui, lui, fait le long parcours. Il en est donc à presque 22h de course. Je n’ose imaginer son état. Pourtant il me suite un petit moment et on commence même à cherche ensemble l’endroit où il faut sortir de la plage suivante. Autant les morceaux de rubalises sur le sable à perte de vue se voient assez facilement, autant pour en sortir, certains endroits dans la mangrove, les arbustes et autres végétations, sont moins faciles à visualiser. Bref on commence à faire quelques centaines de mètres en plus et surtout à perdre du temps à chercher le sentier un peu partout. Et dire que jusque là tout avait été si nickel. Peut-être quelques malvaillants n’ont-ils pas trouvé mieux que de retirer les précieuses indications ? Allez savoir. Aussi le jour commence à se lever. Premières lueurs vers 5h40’. Je vais bientôt éteindre ma lampe. Ma bienaimée ! Il me reste encore une douzaine de kilomètres. Je repars de plus en plus lentement des ravitos mais ne m’y attardent pas, par contre. Sur chaque panneau, à l’entrée de ces derniers, il y a écrit le kilométrage où on se situe, et celui qui nous sépare du prochain ravito. C’est assez judicieux. Même si ceux-ci ne correspondent pas à ce qui est écrit sur le carnet de route. Je vais vite me rendre compte qu’il vaudra mieux se fier à celui-ci. Et c’est plus qu’important quand la chaleur commence à pointer…Mais je reconnais enfin le sentier sur lequel j’avais fait un dernier footing la veille de la course. Sainte-Anne ne tend les bras désormais. Je suis pour le moins entamé mais l’endroit est sublime. Il ne me reste plus qu’à aller faire un petit plouf. Le lagon est à dix mètres. Cela devrait aller ! Jus de fruits à gogo pour tous. C’est ma tournée. La nuit, tout est donc très différent. Et cette expérience, qui aux premiers abords me paraissait un peu décalée, s’avérera au finish réellement enrichissante. Comme si j’avais vécu une aventure différente des autres. La nuit qui suivra, je dormirai tout de même dix heures d’affilée…Prêt à revenir en 2011 !

Rémy Jégard

 
Résultats
La transmartinique (130 km et 5100m de D+)
Hommes
1)      Widy Grégo 18h25mn 43 s, 2) Julien Chorier 19h36 mn 12 s, 3) Christophe Lesaux 20h20mn14s
 
Femmes
1)      Aline Pierron 9h 47 mn 49s, 2) Yannick Navarro 11h16 mn 53 s, 3) Gérladine Micheron 12h44 mn 24 s
109 coureurs classés
 
Le Défi Bleu (58 km et 1650m de D+)
Hommes
1)      Joël Thomasi 7h 09 mn 46 s, 2) Guy Albert Lin 7h27 mn 30 s, 3) Julien Lerond 7h 33 mn 39 s
 
Femmes
1)      Gaby Bellemare 8h40 mn 20 s, 2) Florence Ruby-Raberin 8h 49 mn52 s, 3) Stéphanie Jö 11h03 mn 22 s
151 coureurs classés
 
Prochaine édition les 9, 10 et 11 décembre

 


8/11/2010 Courrier Sud au Maroc (Chap. 4 et fin)

« S’il vous plait… dessine moi un mouton… »

Antoine de Saint-Exupéry fit son service militaire à Strasbourg, dans l’armée de l’air. Il apprit alors à piloter et  sa carrière fut ainsi tracée. Il entre ensuite comme pilote dans une société chargée d’acheminer le courrier de Toulouse à Dakar. Il est nommé chef d’escale à Cap Juby, plage de Tarfaya, dans le sud marocain. C’est à cette époque (1929), qu’il écrivit son premier bouquin : « Courrier Sud ». C’est donc ici le trésor : L’as-tu cherché ? Sur cette vague de dune, les bras en croix, les yeux rivés vers le ciel d’un noir d’encre, je scrute la lune et les villages d’étoiles. La voie lactée offre avec netteté ses constellations infinies. Il fait doux. Le bivouac s’éteint peu à peu. Repus, sous chaque tente bédouine, les concurrents du raid, harassés par leur journée d’effort plongent quelques courtes heures dans un sommeil récupérateur. Ici, le silence s’écoute, il suffit de lui tendre l’oreille. Une étoile file, je ferme les yeux, mon imagination déborde, il était revenu. Un enfant se pencha sur moi. Il était apprêté comme un « skieur du désert » et me dit : S’il te plait, « dessine moi un mouton»... L’enfant avait tout juste seize ans, il me dit venir de Chamonix, s’être inscrit sur le raid avec ses amis, une vingtaine de ses semblables, répartis en quatre équipes, tous emportés à leur âge par la curiosité et le besoin de découvrir le monde, de tester leurs limites, de donner le meilleur d’eux-mêmes, de voir ce qu’est l’autre et comment est l’ailleurs. Nos enfants deviennent ainsi des hommes. Au travers du raid, en traversant les contrées sauvages, le Maroc s’offre à eux, différent, surprenant. Un monde différent de celui qu’ils ont jusqu’ici toujours connu. L’équipe pédagogique EPS du lycée Mont Blanc, au Fayet, incite chaque année une poignée d’élèves à s’investir dans un tel projet, de longue haleine. La recherche de sponsors, du financement adéquat, la préparation physique, l’engagement, le voyage dans une contrée inconnue, les efforts à fournir pendant six jours ne les rebutent guère. Certes, certaines équipes peinent au final. L’épreuve est difficile et se mérite. « Fennecs », « Pois chiche », « Scorpions roses ». Parcourir à pied ou en vélo, chaque jour, sur le sol rocailleux et sous un ciel de braise, des distances effarantes pour des gamins de leur âge amène la majorité d’entre eux à pousser leurs limites dans les derniers retranchements. Les enfants se démènent, se dépassent. Méritoires, tous finiront l’épreuve. Les « skieurs du désert », nés sportifs, s’arrachent dans les premières étapes, les courses d’orientation leur conviennent bien et deux d’entre eux s’échappent en bons grimpeurs dans l’unique spéciale VTT de montagne, sur les versants de l’Anti-Atlas. Mille mètres de dénivelé au travers des cailloux, des cactus, de la terre ocre. Vainqueurs d’étape. Etre si jeune,  encore si juvénile et déjà côtoyer les plus grands. Quelques épouvantails dans le désert. Surprenants, impétueux adolescents, les « skieurs du désert » seront craints de tous ceux qui briguèrent jusqu’à la ligne d’arrivée le classement général. Le raid est long. Six jours de spéciales enchainées. Une équipe, cinq coureurs, un seul esprit, commun, solidaire, dévoué au service de ses partenaires, au service de tous. Un état d’esprit que préconisait l’œuvre de Saint-Ex. Tantôt en vélo, tantôt en course à pied, les relais acheminent petit à petit les concurrents d’Agadir à Tarfaya, au sud du Maroc. Quelques six cents kilomètres de pistes à travers le désert. Calés tour à tour derrière les participants, les 4x4, alloués à chaque équipe, suivent, attentifs, bienveillants. Chaque voiture suit son protégé. Il fait chaud. Par les fenêtres, les bouteilles d’eau se tendent, aux uns, aux autres, indépendamment de l’adversité. Tous unis dans l’effort. Boire régulièrement reste une priorité, s’asperger une nécessité. Certes, les différents coureurs sont censés évoluer en autonomie, la marée chaussée organisatrice veille et ne plaisante guère avec la sécurité. Justifié. Les pénalités infligées aux coureurs sans camel-back pleuvent. Il faut savoir rester rigoureux. Les équipes inscrites venues d’Alsace le sont d’ailleurs plus particulièrement, ce n’est pas un cliché. Qui pourrait être plus rigoureux qu’un Alsacien ? Une qualité qui prime dans ce type d’épreuve. De son passage sur la planète Alsace, le Petit Prince nous narra que le raid était né là-bas. Les premières éditions, il y a quinze ans, partaient de Strasbourg, comme le fit à son époque son père Antoine de Saint-Exupéry. « Trotteurs du désert », « Objets retrouvés », « Cigognes de l’Ibal », toutes ces équipes engagées donnent aussi le meilleur d’eux-mêmes. Tous logés dans la même dune. Si l’un voit sa cheville immobilisée et sa course terminer trop tôt, forfait, l’autre a les voûtes plantaires brûlées par l’échauffement du sable. Le dernier est pris au détour de lacets descendants de violentes crampes au terme d’une étape cycliste, une autre équipe se démène avec un chauffeur de tacot déboussolé. D’autres s’effraient vite d’être gagnés par la nuit, perdus en plein désert avant même d’en sortir et de retrouver, sur l’unique route qui longe la côte, le chemin du bivouac. Tous gardèrent le sourire et, au-delà des déboires qui pimentèrent l’épreuve un bon esprit de convivialité. Salamalikoum. Sur la planète Maroc, Les jeunes autochtones, fussent-ils aussi princes du sable, n’évoluent guère plus aisément. Issus de milieux extrêmement défavorisés, principalement des banlieues d’Agadir, de jeunes Marocains sont venus, managés par leur académie, rêvant de briller. Un challenge pour beaucoup d’entre eux. Les meilleurs se verront au terme de l’épreuve dotés par leurs instances et par l’association Cap Juby chapeautée par l’organisation du raid elle-même, de subventions pour poursuivre le sport et les études. Les qualités athlétiques naturelles des Marocains en lice en font de redoutables concurrents, surtout en course à pied. Plusieurs d’entre eux descendent communément sous la barre des trente minutes pour parcourir dix kilomètres. Un avion passe, soulevant à peine quelques volutes de sable. Sur les VTT, leurs équipiers ne déméritent pas. Seule l’orientation à la boussole ou la lecture du road book  sont parfois sources de points d’ombre, abandonnant les athlètes par delà les dunes, les laissant s’évertuer à courir dans tous les sens, aléatoirement, au petit bonheur la chance, pour découvrir une à une les balises requises. Inch’Allah. La communauté marocaine brille d’abord par les regards pétillants de ses enfants bravant les efforts. Si, sur le papier, les Marocains sont les plus forts, les erreurs d’orientation de course commises ne leur permettent pas de creuser de jour en jour un écart irrémédiable au classement général. Le suspense demeure. Les déconvenues ne découragent personne, invitent à l’humilité, à la modestie, au fair-play. Exemplaires. Tout au long du raid, Marocains et Européens se côtoient, s’unissent, échangent, se mettent mutuellement au service les uns des autres. Pour nous autres, occidentaux si souvent imbus de notre personne, la découverte et l’immersion sablonneuse dans une autre culture nous laisse bien souvent pantois, nous invite à réfléchir à nos propres conditions. Ces gens sont fabuleux. Au-delà de leurs qualités sportives, leur gentillesse prime. Et même si, au terme du raid, Yallah ! Yallah ! « Tarfaya » remporte l’épreuve devant « Massera », confirmant une bonne fois pour toutes sur les derniers relais l’hégémonie des équipes locales, si « Sahara » et « Cap Juby » finissent aussi dans la première partie du plateau, la leçon inconsciemment donnée par ces équipes ne résidera pas sur ces seuls faits de course. Belle humanité. It’s a kind of Majid, Magique, Majid! Il y a des gens comme çà, au sein du raid, que l’on ne pourra oublier, tant leur personnalité marque l’aventure, l’entourage, l’équipe. Majid vit en France, à Saintes Marie de la mer, aux confins de la Camargue. Issu de l’immigration marocaine, il a grandi en Gaule, aime la France et son cœur est resté marocain. De toute façon, le regard sur la vie affiché par l’olibrius reste clairvoyant, juste, doté d’une grande philosophie et pour cela, on se fout pas mal des origines. Maniant aussi bien la langue arabe que celle de Pagnol, avec la même verve, le même accent et les mêmes gestes que l’illustre Raimu, notre ami restaurateur, père de trois enfants à quarante quatre ans, a derrière lui plus d’une galère. Inscrit de sa propre initiative seul sur le raid, peu enclin au sport en compétition, Majid est bien plus attiré par l’aventure sur ses terres ancestrales que par le résultat sportif. Qu’importe. L’équipe “Dessine moi un mouton” dans laquelle il fut intégré était ainsi composée de personnalités différentes et éclectiques, mi française, mi marocaine. Par son bilinguisme et son humour décapant, Majid en fédéra les membres, amusant d’abord les uns en français, pliant en deux et en berbère les seconds. L’osmose prit. Pour nos garçons, éblouis autant par la tchatche du meneur d’homme que  par son engagement propre lors des plus grands efforts requis sur le raid, le souvenir de Majid restera impérissable. Celui d’un grand comique qui privilégie le rire à la performance, de la grande Zora promenant son chinchilla au grand Zorro enfourchant son Tornado de vélo, Majid a  amusé unanimement son entourage une semaine durant, les faisant rire jusqu’aux larmes. Qu’importe la gagne, tout ce petit monde s’est bien marré. Le raid, c’est aussi çà, la découverte de gens de valeur qui rendent l’aventure encore plus attachante, plus passionnante, humaine. Pendant la seconde guerre mondiale, Antoine de Saint-Exupéry fut aussi pilote de guerre. Un capitaine aux valeurs humaines incontournables que l’Armée de l’air continue d’encenser, de promulguer, d’enseigner à ses jeunes officiers de réserve. L’équipe des « Aviateurs » fait partie de ceux-là. Cinq jeunes de vingt-deux à vingt cinq ans, tous matheux de formation, des tronches, tous inscrits à l’école de l’air de Salons de Provence. De futurs pilotes de chasse. Un avion passe, le mur du son fait trembler la dune. Au cœur du 4x4, l’esprit d’équipe reste appliqué, discipliné, méthodique, fait corps. Tous unis dans la bagarre. « En visuel, à dix heures, sur la crête, l’arrivée du relais…, j’y cours…» Les cinq gars sont méga-entraînés. Et pour eux, les courses d’orientation restent des jeux d’enfants. Tanguy et Laverdure ne sont pas là pour donner dans la dentelle. L’équipe brille et se distingue, rivalise au classement général avec les Marocains, engrangeant à son tour les points quand leurs adversaires pêchent à la boussole. « Les aviateurs » termineront à Tarfaya sur la troisième marche du podium. Quand, au bout d’une semaine de raid et de bivouacs dans le désert, chaque membre de l’expédition affichait une mine burinée par le soleil, des lèvres gercées et une barbe de huit jours, nos valeureux bidasses se présentèrent à la remise des prix face aux hôtes, édiles de Tarfaya, rasés de près, en uniforme, le calot rivé sur la tête, tirés à quatre épingles. En rang et au garde à vous, ils firent observer une minute de silence à la mémoire des pilotes de l’aéropostale tombés dans l’exercice de leur fonction, remirent au caïd une stèle officielle commémorative que l’on pourra sans doute désormais admirer au musée local de Saint-Exupéry et offrirent aux instances locales des équipements et des vêtements sportifs. Des militaires comme on les aime. Tarfaya, sud du Maroc, ville de lumière, sur les rivages de l’Atlantique. L’aérodrome en bout de plage tant usité pour les escales de l’aéropostale est laissé à l’abandon. Antoine de Saint-Exupéry ici a marqué les esprits. Après six jours de course, le raid Courrier Sud qui commémore l’auteur trouve ici son terme. En apothéose. La ville entière assiste à cet événement. Des athlètes locaux se joignent au dernier relais de la course, d’abord sur la plage, puis symboliquement sur l’aérodrome, et enfin au travers des rues de la ville. Les éclats de lumière sont éblouissants, les couleurs chatoyantes. La population locale, hommes frêles en djellabas, femmes voilées aux robes longues diaprées, enfants aux regards brillants, a envahi les trottoirs. Le cortège final et la caravane passent. Toutes les équipes, encore en lutte défilent intégralement. Pour fêter l’événement au-delà de leur arrivée, une fanfare et des courses d’enfants animent la manifestation. Quel engagement de la part de ces enfants qui traversent leur ville en courant pieds nus, s’arrachant les uns des autres pour terminer en tête, impressionner les gens du raid, ou Olivier d’Agay le neveu d’Antoine de Saint-Exupéry, directeur de la fondation du même nom  rendu expressément sur place pour honorer l’événement.  Ou est-ce  pour avoir la reconnaissance de Monsieur leur gouverneur, spectateur privilégié de toute la manifestation locale. - Attention, Alain pour François ? Oui, François, j’écoute… L’organisation de la douzième édition du raid Courrier Sud est toujours restée à pied d’œuvre, attentive, rassurante, bienveillante, équitable, impartiale. Une aventure humaine qui défie les hommes tout en les rapprochant. Des hommes au service d’autres hommes pour humaniser la planète. Colossale orga. Imaginez le travail que représente la responsabilité de lâcher cent quarante personnes pour la plupart néophytes, issus de mondes si différents, sur les pistes du désert et d’en assurer la sécurité. Des centaines de kilomètres de piste répertoriés en road books, des bivouacs suffisants pour assurer couchage et repas pour chacun, une  équipe dévolue aux balisages, une autre aux chronométrages, une autre encore composée d’un personnel médical, et j’en passe... Le petit Prince vous parlerait de sa rencontre avec la meilleure équipe, celle de François Laurent, de son frère, de ses sœurs, des conjoints, des amis, des conjoints d’amis, de tous ceux qui collaborent, bénévolement, à la réussite du raid. Vivre cette aventure hors normes et adhérer aux valeurs qu’elle distille reste une des plus belles expériences que peut nous réserver la vie. Retenez-le et faites passer. En toute objectivité, vous gagneriez vous aussi à vivre ce raid.

 
Texte de Brice de Singo (bricero@laposte.net)

2/11/10 Courrier Sud au Maroc (Chap. 3)

Tafnidilt,Sud Maroc,raid courrier sud..

Troisième jour du raid, la mi parcours d’un raid fou fou fou qui emmène les dix huit équipes inscrites au fond du désert est atteinte ce soir. Nuit étoilée, accueil au château de Tafnidilt, veillée sommaire pour des organismes épuisés, las d’avoir crapahuté plus que de coutume le long des contreforts du Anti Atlas. Le Maroc livre petit à petit ses trésors. La part belle est faite aux esprits d’équipe, aux vététistes plus sollicités aujourd’hui. Mais la marée chaussée organisatrice veille et les pénalités ont été unanimement distribuées : horaires non respectés, ports d’eau négligés, erreurs de lecture de road-books. On ne plaisante pas avec la sécurité. Le classement général livré ce soir a réservé quelques surprises. Et demain sera encore plus chaud.
Envoyé spécial, Brice de Singo.

01/11/10 Courrier Sud au Maroc (Chap.2)

It’s a kind of Majid , Majid !

Deux jours que le raid a commencé et les organismes ont déjà bien souffert. Entre course d’orientation en run and bike sur trente six bornes, spéciale villageoise où chaque autochtone marocain s’est appliqué à montrer aux gens du raid ses disponibilités naturelles à la course à pied, une épreuve de VTT avec onze cents mètres de dénivelé, et une traversée du désert sur la rocaille et sous la fournaise, la chaleureuse soirée du deuxième soir au bivouac de Guelmin montre à quel point, à la hauteur des efforts fournis tous les participants du raid vivent une magnifique aventure, sportive, humaine Les décors sont fabuleux, chacun se donne à fond. Au terme de la seconde journée, deux équipes marocaines mènent au classement général devant une surprenante équipa de lycéens du Fayet (Haute Savoie). Quatre jours encore…
Envoyé spécial, Brice de Singo.

31/10/10 Courrier Sud au Maroc (Chap. 1)

Départ, dimanche 31 octobre, de la douzième édition du raid Courrier Sud, qui commémore maintenant chaque année la mémoire et l’esprit d’Antoine de Saint-Exupéry. Le raid, qui va durer six jours et accumuler étapes et spéciales, verra s’élancer dix huit équipes constituées chacune de deux vététistes et de deux ou trois coureurs à pied. Sept cents kilomètres de piste attendent les concurrents, d’Agadir à Tarfaya dans le sud marocain. Les températures annoncées devraient culminer sur l’Atlas et dans le désert à près de quarante degrés. Du sable et du soleil, des paysages magnifiques et des saveurs indicibles, une extraordinaire aventure humaine où, à travers les difficultés de l’épreuve, les uns rencontreront les autres, partageront leur vie, leurs efforts, leurs repas, leurs bivouacs. Au travers de la richesse des découvertes, les équipes françaises, belges, suisses devraient avoir du fil à retordre pour ravir aux équipes autochtones le titre que l’une d’elles a remporté pour la première fois l’année dernière. Le niveau est cette année encore extrêmement relevé et le programme attendu bien chargé. Pour demain, dimanche, première journée, quarante kilomètres de course d’orientation matinale marqueront le début de l’épreuve avant de participer, plus tard dans l’après midi, à une course de village, à Souk el Aarba, où les gamins de la localité voudront démontrer leurs excellentes facultés d’athlètes face aux sélections européennes. Il va faire chaud sous les maillots.

De notre envoyé spécial: Brice de Singo

 

Vous irez bien faire un petit tour à Diégo Suarez !

Un super champion au 2ème marathon de Diégo-Suarez à Madagascar !

Diego-Suarez est une petite ville située tout au nord de Madagascar. Elle compte à peine cent mille habitants et sans aucun doute la plus belle baie du monde. Ou tout du moins la plus grande avec près de trente kilomètres de côte. C'est ce décor paradisiaque qu'a choisi Jean-Marie Daval, célèbre organisateur réunionnais, expatrié depuis quelques années dans la Grande Ile, pour proposer un marathon hors-normes...

Alain Randrianaivo est un solide malgache d'une quarantaine d'années. Il travaille à Tana (la capitale de Madagascar). Pourtant quand il a su que la deuxième édition du marathon de Diégo aurait bieu lieu en cette fin du mois de septembre. Il n'a eu qu'une idée en tête : y participer. Pourtant si la passion de la course est bien réelle, Mada n'en reste pas moins un des pays les plus pauvres du monde et Alain comme tous les autres ne roule pas sur l'or. Impossible d'envisager prendre l'avion. Le trajet aller-retour sur Diégo, éloigné tout de même de 1200 kilomètres de la capitale, équivaut à trois ou quatre mois de salaire. Au bas mot. Aussi le choix n'est pas immense. Un taxi-brousse, un train hypothétique... Alain optera donc pour la moto. Et le voilà donc parti pour un voyage de 24h non stop. Juste le temps de remplir le réservoir de temps à autre, de dormir quelques heures sur le bord de la route. La saison est chaude et sèche. C'est heureux. Car dans quelques semaines seulement, le périple deviendra quasiment impossible avec la pluie abondante qui rend les chemins impraticables. Avec des pointes à 110 km/h, ce marathonien d'un autre temps arrivera à temps à Diégo. Un peu éreinté certes, mais tout heureux de se présenter sur le ligne de départ, le dimanche à 7h pétantes, après avoir pu se relaxer une nuit...A Madagascar, le temps ne s'écoule donc pas de la même manière qu'en France. Les heures sont élastiques, comme aime à le rappeler Gilbert Rakoto, président du comité régional d'athlétisme et aussi de l'association Diego Sport Aventure qui est aux commandes de l'organisation de l'épreuve."Vous pouvez très bien donner rendez-vous à quelqu'un vers 18h et ne le voir arriver qu'à 19h. Ce n'est pas un souci ici. Et il ne sera pas considéré comme en retard. Cela fait un peu partie de la culture malgache." Gilbert, ancien sauteur en hauteur, membre de l'équipe nationale de son pays, mais également ancien volleyeur international, sait de quoi il parle. Il s'est énormément investi dans le tissu associatif de sa ville et c'est en toute logique qu'il a répondu par l'affirmative aux sollicitations de Jean-Marie Daval. "J'avais aidé Jean-Louis Prianon (réunionnais, sélectionné aux Jeux Olympiques sur 10000m) durant trois ans pour son épreuve de dix kilomètres qu'il a organisé à Diégo... Quand Jean-Marie est venu me trouver pour relancer une épreuve, j'ai été des plus ravis. Bien sûr!"Ainsi est donc né le marathon de Diégo. Jean-Marie, après deux années passées à la capitale, a posé finalement ses valises dans le Nord. Et dans celles-ci, comme souvent, quelques projets d'organisation... L'organisateur a déjà une belle réputation qui le précède sur l'île rouge, comme on l'appelle. Il a mis sur pied le Mada Run, un raid multisports du côté de Fort Dauphin dans le Sud, et puis ce fut une brèche dans le monde de l'ultra avec le Raid de l'Isalo qui en est à sa quatrième édition et qui a lieu en fin de mois de juillet. Sans parler d'un périple en VTT qu'il destine à quelques passionnés en plein mois d'octobre. Bref ne lui restait plus qu'à « toucher du bitume ». Si l'on peut dire. Le marathon de Diégo est donc né, il y a deux ans tout juste. Et si la première édition a vu une cinquantaine de concurrents s'élancer de Diégo vers Ramena à une vingtaine de kilomètres de là, pour un fabuleux aller-retour en bordure de baie, ils seront presque le double pour la deuxième édition. "J'espérais, il est vrai, la présence d'un peu plus de métropolitains, voire de Réunionnais, "explique Jean-Marie. "Mais bon je ne vais pas me plaindre. Le nombre de coureurs augmente et puis nous avons un peu plus de partenaires qui nous suivent. Ce n'est jamais facile de mettre en place quelque chose ici. Je me suis donné cinq années pour que ce marathon devienne un véritable événement à Madagascar. Tout le monde me suivra durant cette période. C'est un engagement mutuel. Ensuite on aura le temps de faire le point. Mais bon j'espère vraiment que l'on atteindra les deux ou trois cents engagés. Ce serait magnifique..." Le parcours en tout cas a de quoi plaire, même au plus retissant. Imaginez tout de même courir devant des baobabs aux formes étranges et disgracieuses, éviter ici et là quelques zébus échappés du troupeau, faire demi-tour dans un petit village de pêcheurs les pieds dans le sable, ne perdant jamais de vue la célèbre baie de Diégo. La deuxième plus grande du monde, après celle d'Halong au Vietnam, et sans doute l'une des plus pittoresques et marquantes, avec son pain de sucre trônant en plein milieu, petite montagne placée là comme un ilot abandonné. Mais le marathon aux faux airs de carte postale ne peut toutefois pas se résumer à ces couleurs locales qui feraient chavirer le coeur de plus d'un coureur dans le monde. Car il faut bien avouer que la difficulté est réelle. Inutile de venir ici pour essayer de battre son record sur la distance. La chaleur est bien là, même en septembre, saison fraîche de cette hémisphère du globe, et même à sept heures du matin. En plein soleil, il faisait vite dans les 40° C. Et sans la moindre ombre au tableau. Les baobabs du coup sont un peu loin de la route. Ensuite il y a le vent. Omniprésent. Qui est tout doux en début de matinée et puis ne cesse de grossir. C'est le mistral local. Vous le prenez dans tous les sens, mais rarement de dos. Sauf pour les tous derniers kilomètres. Et puis enfin, il y a les bosses. Oh, pas des cols, ni des montagnes à franchir, mais bien quelques pentes qui rajoutent au piment de l'épreuve.500, voire 600m de dénivelé en tout et pour tout. Non, décidément, cette course-là n'est pas une partie de plaisir. Les plus chanceux dans l'affaire auront été ceux qui ont opté pour le semi. Un aller simple donc vers Ramena. Pas encore beaucoup de vent, pas encore beaucoup de chaleur et puis plus descentes que de montées. Bref tout pour plaire.Sur ce parcours d'ailleurs, c'est Jean-Louis Prianon qui va dicter sa loi. A 50 ans, l'ancien international français, est encore sec comme un jeune homme. Il ne s'entraîne plus autant qu'avant, mais avec un record à 27'34'' sur 10km (et oui vous avez bien lu !), il fait encore peur à n'importe qui à la Réunion. Il ne battra pas toutefois le record de l'épreuve, détenu en 1h16' par Rata. Il échoue de deux minutes. Sur le marathon où une trentaine de concurrents s'est inscrit, on ne savait pas trop quel serait le niveau des athlètes au départ. Madagascar compte en effet une poignée de marathoniens de niveau international, avec un record national à 2h17' tout de même, mais cela dépend de beaucoup d'autres facteurs, comme la possibilité de rejoindre Diégo et donc le coût du trajet.Car même si le coût d'inscription est pris en charge par des sponsors prêts à jouer le jeu, il faut toujours se rendre sur place... D'autant plus que le marathon de Tana, dans la capitale, a lieu aussi trois semaines auparavant. Cela n'est pas fait pour aider... Au départ, on retiendra tout de même les présences d'une poignée de Français, de deux Réunionnais, d'une Américaine et également de l'ambassadeur de France. Le favori ne fait plus aucun doute à l'heure de s'élancer. Joachim Ralala est crédité d'un record à 2h19'. Il vient de finir troisième à Tana au sprint et a obtenu une médaille d'argent aux Jeux d'Afrique. Bref c'est un des meilleurs éléments du pays. Le record de 3h05' de la première édition ne peut que partir en éclats. Il fera une bonne partie de la course avec Laurent Ambalahy, qui cédera beaucoup de temps sur la fin. Le tenant du titre ne sera lui que troisième du coup. La première féminine est donc l'américaine, André Clémons. Elle aura joué tout du long au chat et à la souris avec la Malgace, Raissa Razanabary. Plus à l'aise dans les montées, elle profitera donc de la toute dernière difficulté du parcours, le long faux plat sur Diégo donc, pour reprendre et dépasser sa rivale, visiblement exténuée. Mais le marathon de Diégo, ce sont aussi de nombreux coureurs sans chaussures, sans bidon et sans matériel de coureur, sinon un vieux short rapiécé... La victoire dans ces cas-là est déjà d'aller au bout. Et les primes distribuées à la remise des prix ne sont pas cette fois objet de discussion morale. Les coureurs locaux pourront ainsi largement améliorer leur quotidien, au moins pour quelques mois. 60 euros pour le vainqueur par exemple et c'est quelques mois de salaires gagnés. Ce n'est pas rien... Et notre ami Alain me direz-vous? Et bien il a tout de même fini son marathon en 3h50 en dixième place. Un véritable exploit donc, même si maintenant il lui reste tout de même encore 24h de moto à se farcir. Un autre pays, d'autres meurs et malgré tout l'amour de la course à pied !

 Retrouvez tous les résultats et les infos sur www.randorun.fr et aussi toutes les photos dans la rubrique "photos" du site !

A plein poumons entre Toulouse et Port la Nouvelle !

Les premiers sont des sportifs confirmés, les seconds des patients atteints d’une maladie rare : l’Hyper Tension Artérielle Pulmonaire (HTAP). A l’occasion de la 6ème édition de l'ultra-marathon " A Pleins Poumons ", ils se sont rencontrés les 11 et 12 juin 2010 entre Toulouse et Port La Nouvelle pour un périple sportif exceptionnel, une course à pied de 205 km sur 24 heures, le long du Canal du Midi et celui de la Robine. Ce format de course reste très rare de par son intensité et seule une excellente condition physique associée à une forte volonté permettent d'en venir à bout ! Cette année encore 4 coureurs « ultra–marathoniens », Julien, Jean-Christophe, Sylvain et Alain ont donné leur souffle pour des patients qui en manquent cruellement…Leur objectif faire connaître l'Hyper Tension Artérielle Pulmonaire, maladie rare, grave et invalidante et par cette manifestation apporter soutien, réconfort et espoir à ceux qui ont eu moins de chance qu’eux. Marie GOUPIL correspondante régionale de l’association HTAPFrance pour le Grand Sud Ouest, elle même atteinte de l’HTAP et à l’origine de cette idée, a co-organisé ce périple sportif soutenue par de nombreux bénévoles. Quelques 200 personnes participent ! Qu'ils soient en vélo pour un ravitaillement personnalisé, à pied pendant quelques kilomètres ou en voiture pour la logistique, tous expriment là leur immense générosité. Comme en 2009, le parrainage patient/coureur a été reconduit pour cette 6ème édition et dix d’entre eux se souviendront de ces longues journées chargées d’intense émotion, eux, qui espèrent marcher 650m …en 6 minutes (Test médical HTAP) Dans la foulée, les impressions d’Annie Thuillier, membre de l’association HTAPFrance et fortement impliquée dans différents domaines de l’association, notamment la revue bi-annuelle : Cap Vers… Tout est dans le mental ! Chacun connait l’importance de la préparation mentale pour réussir une course. Pour que les jambes suivent, il faut que la tête soit prête. C’est paradoxal, mais c’est ainsi ! Depuis 6 ans, ces Ultra Marathoniens relèvent un défi qui tient de la prouesse : rejoindre Toulouse à Port la Nouvelle soit 205 km parcourus en intégralité sur deux jours. Et pour peu que nous observions à la loupe le mental de ces coureurs, nous y découvrirons plusieurs informations. De toute évidence, une préparation minutieuse de leur condition physique, une anticipation totale du chemin à parcourir, et quelque chose d’insolite voire inédit : ces « malades » de la course à pied, courent pour d’autres malades, qui en raison de leur handicap parcourent difficilement un demi kilomètre ! Poursuivant alors l’auscultation du mental des coureurs, nous verrons s’effacer l’idée de la compétition, il n’y aura ni premier, ni dernier, ce ne sera pas un succès solitaire mais une course solidaire, parce que, tous, proposent leur souffle et leur endurance pour soutenir des enfants et des adultes. Quand les coureurs s’attendent et se rassemblent pour franchir ENSEMBLE la ligne d’arrivée sous les encouragements des patients parrainés, dans leur mental nous pouvons lire :  « j’en ai bavé, j’ai dépassé mes limites, mais j’ai couru pour une noble cause » Commentaire original et spontané qui reflète bien l’originalité de ce périple collectif, « courir autrement » !!!Toutes les photos de la course et des infos sur la maladie sur www.htapfrance.com.  L’association HTAPFrance , par la voix de son président Sylvain Reydellet , remercie tous les patients et leur proches, les partenaires de santé qui se sont mobilisés et associés à notre cause grâce au dynamique Nicolas Guérin, les accompagnateurs coureurs et cyclistes venus de partout, l’équipe de rugby de Maubourguet, tous les bénévoles et tout particulièrement Floréal Villagrassa, Suzanne Fernandes, Alain Pilon, Gilbert Trinquié , Jérôme Ghisolfi, Annie Audirac  qui  se sont fortement impliqués…sans oublier un énorme bravo pour Danielle Duban, chef d’orchestre de ces trois magnifiques journées. Rendez-vous est déjà pris pour la septième édition qui se déroulera  les 17 & 18 juin 2011.            

Texte d'Alain Mialon

 
 

Le 1er Brasil Running Adventure Race

La route des émotions !

Jeudi 6 mai, 15h30. Voilà déjà 5h que l’autobus spécialement affrété pour les coureurs de la Brar fait route vers Luis Correia. Même si la route est longue et chaotique, l’humeur est à la rigolade. Elisabeth arpente l’étroit couloir en courant, piquée au vif par une remarque de Karim, lui demandant si elle vient pour courir la longue étape. «Tu vois, je ne suis pas venue seulement pour porter le sac de mon mari, je cours aussi…». Nous sommes tous arrivés la veille au soir à Fortaleza, accueillis chaleureusement à l’aéroport par Maxilène, l’épouse de Franck originaire du Brésil. Nous avons passé notre première nuit dans un Hôtel 4 étoiles de la côte avec vue imprenable sur la mer. Un dîner pris rapidement et une fois les chambres attribuées, tous le monde part se coucher pour récupérer du long voyage en avion. Dès le lever du jour, quelle surprise! La rue principale est séparée en deux par des plots et sur la moitié de celle-ci, des dizaines de coureurs et de marcheurs arpentent l’asphalte dans une moiteur déjà bien palpable. Etonnant de voir cela alors qu’en France les organisateurs de course doivent se battre des mois avec les autorités pour obtenir un droit de passage l’espace de quelques heures pour leur épreuve… La vingtaine de coureurs français n’en revient pas. Même si certains se laisseront tenter par un petit footing, la plupart iront prendre un petit déjeuner à rallonge histoire de discuter un peu avec tout le monde. Le départ pour Luis Correia sera donné vers 10h30 sous un soleil déjà chaud laissant quelques inquiétudes quant à la gestion des courses à venir…

Finalement après 7h de route, tous le monde arrive à bon port. Il fait déjà nuit et à peine sorti du bus Franck, l’organisateur survolté, nous saute dessus pour nous souhaiter la bienvenue et nous envoyer directement déposer nos bagages en chambre avant de prendre le dîner. Nous sommes installés par deux ou trois dans de petits appartements avec terrasse privative. Dès le lever du jour, une fois le petit déjeuner avalé, tous les coureurs se rendent au contrôle des sacs et du matériel obligatoire avant de profiter de la grande piscine. Une journée de repos qui aura permis de se détendre dans une ambiance bon enfant sous un soleil éclatant et même cuisant pour ceux qui ne se sont pas méfiés, avant d’attaquer dès le lendemain les deux premières étapes. Lors du premier briefing (bilingue) Franck nous promet la traversée de deux îles magnifiques avec un parcours varié. Ses recommandations sont très claires, boire un maximum, se mouiller autant que possible et se protéger du soleil car il n’y a pas d’ombre et il fait très chaud. Pas besoin de réveil le lendemain matin, un gros orage met tout le monde debout dès 3h du matin. Le camp est levé et s’est finalement sous une pluie fine et une température exceptionnellement fraîche de 19° que le départ sera donné dès le lever du jour, depuis la plage de Pedra Do Sal. C’est dans ces conditions exceptionnelles que l’étape de 14km de Santa Isabel est bouclée en 1h31 par Mahmoud Letaief. Une fois tous les coureurs arrivés, nous embarquons dans un gros bateau pour 30 mn de navigation sur le rio afin de rejoindre l’île Canarias pour la deuxième étape de la journée longue de 22km. Il est 10h30 du matin et la chaleur est insoutenable. Le départ se fait depuis le village en bord de plage et les coureurs évoluent sur plusieurs kilomètres dans du sable mou avant de rejoindre les parties marécageuses qui feront leur travail de sape sur les cuisses déjà meurtries. C’est le brésilien Décio Ribeiro qui l’emporte en 2h52. Mahmoud, en bon prince a préféré rester en arrière afin de terminer main dans la main avec son épouse Elisabeth après 4h16 de galère. Cette journée se terminera sur le lieu d’arrivée par un bivouac au bord de l’eau où certains auront pu déjà se familiariser avec les hamacs alors que d’autres auront planté la tente pour une nuit réparatrice. Dimanche 9 mai, à l’assaut de l’île Caju. Celle-ci est privée et nous avons, grâce à Franck, l’immense privilège de pouvoir la traverser. Elle est très préservée et sauvage, un vrai sanctuaire écologique. Le départ est donné depuis la plage dès 7h et il fait déjà très chaud. Le parcours sera varié avec alternance de plages, parties marécageuses, petites forêts d’arbustes parmi lequel il faudra écarter les branches pour trouver son chemin pour enfin arriver sur les premières dunes avec, quelle surprise, des petits lacs d’eau douce dans lesquels les derniers concurrents n’hésiteront pas à se plonger. Sortis des dunes, il faudra encore longer une nouvelle plage pendant sept interminables km sous une chaleur écrasante avec les deux derniers km dans un nouveau cordon de dunes nous menant jusqu’à l’arrivée. C’est Karim Mosta qui aura été le plus fort sur cette épreuve bouclant l'étape en 2h39 devant Acacio Alves. Après une petite baignade, tout ce petit monde grimpe dans le bateau pour trois heures de navigation durant lesquelles ils en auront profité pour se ravitailler et piquer un bon « som ». C’est le milieu de l’après-midi quand nous arrivons à Tutoîa. Nous accostons, tout est calme, les rues sont désertes, reste juste une odeur acre de fruit pourrissant au soleil. Nous prenons nos bagages et rejoignons à pied la posada où nous devons passer la nuit. C’est le jour du seigneur et il n’y a pas âmes qui vivent. Il fait très chaud et les roulettes des valises peinent sur les pavés. Au loin de la musique, un 4X4 s’engage dans la rue et le volume augmente. Alors que tout le monde s’attend au rythme endiablé de la samba brésilienne, les baffles crachent «voyage, voyage» de Desireless, et c’est l’éclat de rire général… Lors du briefing le soir même, Franck nous annonce une étape longue allégée de 10 km ce qui porte le kilométrage de cette 4ème étape à 62km tout de même. Pour la plupart, cette étape aura été la moins agréable avec des portions de pistes en longues lignes droite de 27 km traversant plusieurs petits villages avant une partie humide conduisant à un cordon de dune qui une fois traversé, vous conduit à une nouvelle plage qui devra être longée sur 20km avant de rejoindre le lieu de bivouac de Caburé. C’est Acacio Alves qui l’emporte en 6h40 devançant Karim Mosta de moins d’une minute. Franck avait annoncé un petit paradis, il n’avait pas menti. Même si cette étape a été très longue et destructrice pour certains, la récompense est au bout. Caburé, un tout petit village de pêcheurs vivant dans des habitations traditionnelles, le tout posé sur une langue de sable blanc avec sur la gauche le Rio Priguiças et sur la droite l’océan. Le soleil se lève sur l’océan et se couche sur le rio, quel spectacle ! C’est dans ce petit paradis que nous ont rejoint les coureurs du 60km. Une journée de repos permettra à tout le monde de faire connaissance avant d’attaquer les deux dernières étapes dans le désert du Lençois Marenhenses. Lors du briefing de présentation des étapes, la pression monte. Il va y faire très chaud, dès le 6ème km, il n’y aura plus moyen d’être approvisionné en eau jusqu’au 29ème km. Il faudra se réapprovisionner dans les lagunes d’eau douce et utiliser le micropur. C’est inquiets et tendus que les coureurs partent se coucher. Dès 3h le lendemain, tout le monde est debout car il faut absolument partir dès le lever du soleil. Petit déjeuner à 4h et à 4h30, on grimpe dans des petites embarcations pour se rendre à Atins, lieu de départ. Il fait nuit noire et on se demande comment font les chauffeurs pour se repérer sur ce large rio. Une fois le pied à terre, l’inquiétude a laissé la place à l’euphorie. En attendant le lever du soleil, on s’embrasse, on s’encourage, se photographie... Les photos de groupes n’en finissent plus et c’est dans l’euphorie générale que le départ est donné par Franck et Maxilène main dans la main. Après une partie assez plate de 6 km traversant village et jardins luxuriants, les coureurs commencent à attaquer les premières dunes. Et c’est parti pour 36km d’émerveillement. Des dunes de sable immaculé au milieu desquelles scintillent des lacs d’eau douce d’un bleu éclatant, rafraîchissant celui qui prend le temps de s’y arrêter. Décio Ribeiro bouclera la première partie du Lençois en 5h27 faisant la course en tête du début à la fin. Karim Mosta termine à une petite minute. Plus le temps passe et plus les coureurs arrivent exténués. La plupart ont craqué lors des dix derniers kilomètres creusant les écarts. Les coureurs sont accueillis par la communauté de Queimada de Britos vivant dans une des rares parties boisées du désert.

Après un bon petit repas, chacun disposera d’un hamac pour passer la nuit avant de se lancer dans l’ultime étape. Le départ de la dernière étape est donné à 5h30, les organismes sont meurtris mais les coureurs sont impatients d’en finir et de découvrir la seconde partie du parcours avec des dunes plus hautes, du sable mou et encore de nombreuses lagunes à traverser avant de rejoindre le site d’arrivée sur la place centrale de Santa Amaro, le tout sous un soleil de plomb. Au bout de 3h29 d'effort, Karim Mosta fait son entrée dans le village, triomphant. Il remporte ce raid de 190km avec 59mn d’avance sur Acacio Alves suivi de Décio Ribeiro. Toutes les arrivées se feront dans une ambiance surchauffée en présence du maire du village et de nombreux spectateurs n’hésitants pas à demander autographes ou embrassades aux coureurs un peu pris au dépourvu. C’est soulagé d’en avoir terminé et heureux d’avoir traversé des paysages aussi somptueux que les coureurs vont rallier Sao Luis après plusieurs heures de piste et de route. Les deux dernières nuits seront en centre ville dans un hôtel typique. La remise des prix sera clôturée par une soirée très arrosée de «cervejas» et de «caïpirinhas» dans les rues de la ville et c’est la tête chargée de souvenirs et le cœur serré que les concurrents se diront adieu à l’aéroport. Un raid magnifique traversant des paysages époustouflants, une population accueillante, des bivouacs magiques, un balisage parfait et une équipe organisatrice dynamique, responsable et soudée. Une belle aventure humaine laissant Franck et Maxilène aux anges et prêts à remettre le couvert en 2011 avec pleins de nouveaux parcours en tête et peut-être une traversée du désert du Lençois en une seule et même étape. Tout un programme… pour des coureurs tout de même bien entraînés car gérer la grosse chaleur et l’humidité au sortir de l’hiver n’est pas une mince affaire. Vivement la BRAR 2011 !  

Kris

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